Mount Eerie – Now Only

Souvenez-vous il y a presque un an pile, je vous ai parlé du terrible deuil qu’a pu traverser Phil Elverum alias Mount Eerie avec son bouleversant album A Crow Looked At Me (chroniqué ici). Et bien l’humeur n’est toujours pas au beau fixe depuis qu’il a perdu sa tendre partenaire Geneviève Castree en 2016 où tout son monde s’est écroulé ainsi que celui de sa fille comme il le raconte sur son successeur Now Only.

Mais n’appelons pas pour autant ce disque comme un A Crow Looked At Me part. 2 même si ça en a l’air. Phil Eleverum continue à faire son deuil comme il le peut et sous un degré différent. Si l’album précédent était centrée sur le fait qu’il ait toujours du mal à réaliser que sa moitié n’est plus et qu’il ressasse ses souvenirs avec elle, Now Only est rongé de questionnements philosophiques en tous genres concernant la mort mais aussi à quel point le décès de Geneviève Castree l’a changé en tant que personne toujours aussi meurtrie certes. On reprend là où on s’est arrêté sur l’album précédent avec le premier morceau « Tintin In Tibet » où il continue à rendre hommage à sa défunte épouse avec « I sing to you, Geneviève » qui coule de source avec toujours cette composition folk très dépouillée qui nous procure toujours autant des frissons tout comme « Distortion » où pendant 11 bonnes minutes, il commence à sentir la distance entre lui et elle n’étant plus sur Terre tout en se ressassant des événements importants qui auront changé sa vision du monde à tout jamais.

La seconde raison pour laquelle je ne peux pas qualifier d’A Crow Looked At Me Part. 2, c’est tout simplement parce que les arrangements musicaux se font on ne peut plus denses qu’à l’accoutumée. On entend ainsi des distorsions de guitare qui bourdonnent par ci par là sur la ballade dépouillée de « Distorsion » mais également sur le morceau-titre où une batterie fait son apparition et les aspects garage-folk de la chamanique « Earth » réminiscent de son album Black Wooden Ceiling Opening où il détaille à quel point ce fut difficile d’enterrer le corps de sa compagne tout en continuant de puiser au fond de sa mémoire ses petites anecdotes qui ont changé sa vie. Il en est de même avec la seconde pièce maîtresse de l’opus de 9 minutes intitulée « Two Paintings by Nikolai Astrup » où il fait une comparaison entre son deuil et les peintures de l’artiste Nikolai Astrup et à quel point il s’imagine dans ses œuvres. Le dernier morceau « Crow, Part. 2 » ira une fois de plus faire pleurer les chaumières pour sa composition toujours aussi nue et vulnérable et le chant monocorde de Phil Elverum qui contribue ainsi que ses textes qui font froid dans le dos: « But now I notice ravens instead, I don’t see you anywhere ».

Voilà pourquoi Now Only est l’étape supérieure du deuil de Mount Eerie où il commence petit à petit à aller de l’avant suite au tragique décès de son épouse même si il reste toujours aussi impuissant face à cet événement terrassant le rendant incapable de penser et de passer à autre chose. Là où tout son environnement paraissait inexistant comme les peintures sur le mur ou les souvenirs de son enfance, de sa rencontre amoureuse par exemple commencent à prendre forme au fur et à mesure mais très lentement. A travers ces six titres, il pousse la réflexion suivante: si la mort est réelle, que peut-il y avoir de mieux dans ce monde quand on a perdu un être plus que cher ? Une fois de plus, Phil Elverum nous livre une oeuvre à fleur de peau et terriblement poignante qui ne laissera personne insensible et dont il faudra avoir le cœur bien accroché.

Note: 9.5/10