Clara Luciani – Sainte Victoire

Et si une rupture amoureuse pouvait nous rendre plus fort(e) ? C’est du moins ce que Clara Luciani a vécu du moins. Après avoir lamenté sa douloureuse histoire d’amour qui a pris brutalement fin sur son premier EP Monstre d’Amour (chroniqué ici), elle est devenue la révélation de l’année 2017 qui a sillonné les routes françaises cette année. L’ancienne membre du crew La Femme se montre plus guerrière et « plus positive » sur son premier album Sainte Victoire.

Le nom de l’album fait référence à la montagne à l’est d’Aix en Provence dans laquelle elle et sa sœur Ehla (qui est aussi dans la musique et qui a participé à Destination Eurovision 2018 il y a quelques mois) ont grandi. Mais c’est également l’état d’esprit dans laquelle la chanteuse marseillaise se trouve à l’heure actuelle, à savoir prête à aller de l’avant et à attaquer tout ce qui l’entrave sur son chemin. « Hé toi, qu’est-ce que tu regardes ? Tu n’as jamais vu une femme qui se bat ? » lance-t-elle sur le premier morceau « La Grenade » aux airs disco-rock pour le moins dark concoctés par ses frères d’arme SAGE, Benjamin Lebeau de The Shoes ainsi que le rémois Yuksek produisant ainsi tout l’album. Avec son refrain imparable « Sous mon sein, la grenade », on tient un hymne féministe qui va même au-delà du mouvement #MeToo.

On continue à taper du pied avec la version féminine de « The Bay » de Metronomy rebaptisée à l’occasion « La Baie » qui possède une interprétation quelque peu différente mais collant parfaitement à la thématique générale de ce premier opus. On dira souvent que la voix grave de Clara Luciani rappellera beaucoup celle de la regrettée Nico ou encore la plus mélancolique Françoise Hardy mais sur certains titres comme « On ne meurt pas d’amour » et le groove irrésistible d' »Eddy », elle possède des petites intonations à la Jenn Wasner de Wye Oak à un tel point que cela devient troublant par moments. Pour le reste, celle qui a collaboré avec Nekfeu, Benjamin Biolay ou encore Calogero (gloups…) continue à dévoiler son savoir-faire avec des très belles pièces comme « Les fleurs » que l’on se repassera en boucle et « Drôle d’époque » où sa vulnérabilité refait surface en rappelant à quel point cela peut être difficile d’être une femme par les temps qui courent.

Les morceaux qui ont cartonné en live que sont « Comme toi » et « Monstre d’amour » qui sont présents sur son premier EP refont surface en un format un peu plus retravaillé mais n’enlèvent en rien la cohésion de Sainte Victoire car on retrouve également l’entraînant « La dernière fois » et la mélancolique « Dors » dont son vibrato nous émeut une fois de plus. Mais tout ceci n’est illusoire car la conclusion pour la moins originale et inquiétante qui a de quoi faire penser à un épisode de « bref. » nous rappelle que la marseillaise lassée de tous les préjugés et les excès de galanterie et nous le fait comprendre sous un spoken-word saisissant qui se clôt sur ces derniers mots: « Sous mon sein… une grenade ». Il est clair que la chanteuse et guitariste Clara Luciani s’est faite désirer et ne nous déçoit avec son premier album qui aura de quoi rappeler aussi bien les aspects intrépides de PJ Harvey et de Patti Smith avec un soupçon de pop française joliment vintage et désabusée. Si l’année 2017 fut celle de l’explosion, elle aura tout le monde à ses pieds cette année avec ses messages qui parlent tout d’abord aux femmes. C’est au tour de sa grande sœur Ehla d’être attendu au tournant maintenant.

Note: 8/10