Beach House – 7

Après le retour de Wye Oak le mois dernier, l’heure est venue d’attendre le retour d’un autre duo de Baltimore qui n’est autre que le légendaire Beach House. Trois ans que l’on était sans nouvelles de Victoria Legrand et d’Alex Scally depuis leur double pactole avec Depression Cherry (chroniqué ici) et Thank Your Lucky Stars (chroniqué ici) qui furent considérés comme étant des disques mineurs par rapport à leur parfaite discographie, moins pour ce dernier qui fut bien meilleur. Pour prouver qu’ils restent les véritables OG en matière de dream-pop, le duo compte atteindre la perfection avec leur album sobrement intitulé 7.

Le titre de l’opus n’est pas choisi au hasard car c’est non seulement leur septième album (si l’on excepte leur compilation de faces B et de raretés paru l’année dernière) mais surtout cela a une signification particulière pour le duo: « L’avantage premier de l’avoir baptisé comme ça, c’est que cela laisse totalement ouvert le champ des possibles. Et j’adore forcément cette idée. Comme ça, nous n’imposons rien, aucun mot susceptible de tarir l’imaginaire ou d’induire la moindre mauvaise interprétation. D’autant qu’en usant de lettres, tous les titres potentiels qu’on trouvait semblaient fades ou réducteurs, et aucun ne semblait susceptible d’embrasser l’ensemble des morceaux. » D’ailleurs Pitchfork avait émis la théorie que c’était voulu que le premier single de l’album dévoilé fut le 14 février, soit le 1+4+2=7. Sans compter que toute leur discographie complète comporte 77 morceaux à ce jour. Bref, je ne suis pas là pour exposer les théories du complot et autres conneries du genre mais de parler du nouvel album du groupe le plus adulé de l’indiesphère.

Pour la première fois depuis leur mythique troisième album Teen Dream de 2010, Beach House n’a pas travaillé avec leur fidèle collaborateur Chris Coady mais avec une autre pointure qui n’est autre que Peter Kember alias Sonic Boom (Spacemen 3, Panda Bear, MGMT…) à la production. Le duo a également convié leur batteur de tournée James Barone à pratiquer son instrument de prédilection comme sur le premier titre résolument shoegaze intitulé « Dark Spring » résolument étouffant et anxiogène qui implante avec perfection le décor de ce septième disque. Une fois de plus, le tandem Legrand/Scally étonne et voit large avec leur dream-pop qui a tant fait leur renommée mais n’hésite pas à élargir son champ visuel et musical pour aller chercher quelque chose de plus intense, viscéral pour ne pas dire sombre (l’influence de Sonic Boom y est pour quelque chose ceci dit). Ainsi, on retrouve tout ce qu’on adore chez le duo sur des titres comme l’hypnotique « Lemon Glow », « Drunk In L.A. » avec son refrain cristallin interprété avec perfection sans oublier « Woo » et l’éthéré et cinématographique « Dive » arrivant à nous tirer une larme par tant de beauté.

Beaucoup plus aventureux que ses deux prédécesseurs, 7 ira apporter beaucoup de nouveauté dans la musique lancinante de Beach House comme l’apparition du français sur « L’Inconnue » (faut-il encore le rappeler que Victoria Legrand n’est autre que la nièce de Michel Legrand) lorsqu’elle chante: « Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept/Toutes les filles ne sont pas prêtes/Vers l’Eglise et la Seine, tous les cœurs et toutes leurs peines/Petite ange et l’inconnue/Sainte, la pute et l’ingénue ». Ce titre aux airs de comptine pour adultes, structuré en sept parties, est une référence au fameux tableau de L’Inconnue de la Seine. Parmi une autre nouveauté chez Beach House, c’est qu’ils privilégient l’énergie par rapport aux mélodies afin de peaufiner au mieux leurs arrangements. Il est clair que le batteur James Barone donne un peu plus de rythme qu’à l’accoutumée mais on retrouve une atmosphère on ne peut plus psychédélique qu’à l’accoutumée, notamment sur « Black Car » et « Girl Of The Year » dénués de guitare tout comme « Pay No Mind » ne comportant aucun clavier. On retrouve aussi la ballade acoustique aussi sublime qu’un coucher de soleil qu’est « Lose Your Smile » qui a de quoi rappeler Mazzy Star par moments ainsi que la poignante conclusion (comme le duo a l’habitude d’en faire) de 7 minutes intitulée « Last Ride » résolument transcendant comme tout. Avec ce septième album, Beach House s’est réinventé tout en restant fidèle à leur image de marque: moins de reverbs que dans le passé, des textes plus ancrés avec l’actualité (le mouvement #MeToo en ligne de mire qui a inspiré la plume de Victoria Legrand et la pochette également), une ambiance plus psychédélique et des compositions plus intenses mais restant pour les moins rêveuses. Il en résulte ainsi comme étant le troisième meilleur album du duo de Baltimore qui se rangera du côté des autres chefs-d’oeuvre que sont Teen Dream et Bloom. Le tandem a trouvé leur chiffre de prédilection et atteint la perfection.

Note: 10/10