Pitchfork Music Festival 2018 (Live Report)

Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Vincent Arbelet.

Chaque année, le Pitchfork Music Festival se délocalise à Paris pour nous faire vivre trois jours de musique et de folie en tous genres. Après l’apéritif que fut l’Avant-Garde les 30 et 31 octobre dernier (retrouvez mon récit juste ici), place aux véritables hostilités. Plus besoin de marathon dans le quartier de Bastille, tout se passe désormais à la Grande Halle de la Villette du 1er au 3 novembre.

Cola Boyy au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Vincent Arbelet.

On commence par Cola Boyy dont j’ai touché deux mots quelques semaines auparavant ici qui a enchaîné après New Optimism (Miko Hatori). Le natif d’Oxnard est de retour à la capitale après avoir embrasé la salle de la Bellevilloise quelques semaines plus tôt et exporte son mélange de soul-funk et de pop psychédélique de façon excentrique et osé. Revisitant ses titres de son premier EP Black Boogie Neon, le bonhomme à la voix plus que perchée arrive à s’imposer alors qu’il n’était à peine 18h, le temps que les gens arrivent progressivement mais la foule était plutôt ravie.

Après ce set satisfaisant, je dois basculer de l’autre côté de la salle pour assister au set suivant qu’était celui de la révélation indie rock australienne de 2018 par excellence que j’ai nommé Rolling Blackouts Coastal Fever. Fort réjoui du succès de leur album Hope Downs paru en juin dernier (chroniqué ici), le quintet de Melbourne est venu défendre ce disque d’une redoutable efficacité où les hymnes à mi-chemin entre jangle-pop et college rock que sont « Sister’s Jeans », « Cappuccino City » ou encore « Bellarine ». L’énergie du groupe foisonne et le public est emballé. Là, les hostilités peuvent commencer !

Yellow Days au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo; Vincent Arbelet.

Changement d’ambiance maintenant avec une autre révélation de l’année qu’est Yellow Days. On quitte les sonorités jangle-pop/college rock pour aller vers un mélange de neo-soul et indie pop avec un soupçon de bedroom-pop. Et le jeune prodige à peine âgé de 18 piges accompagné de trois musiciens nous cloue le bec sur place avec ses compositions renversantes comme « Gap In The Clouds » et « How Can I Love You ? ». C’est clair, comment peut-on détester les arrangements d’une telle souplesse qui attendrissent la salle ? Je me le demande.

John Maus au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Alban Gendrot.

Et on change à nouveau d’ambiance et on redescend de notre nuage pour aller dans le plus profond des ténèbres avec John Maus. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le mythique bonhomme n’a pas annulé sa venue au Pitchfork. Comme vous le savez probablement, il avait annulé une majeure partie de ses dates en raison du décès de son frère. Venu seul, il se sentait à la fois libre et habité et alterne râlements, hululements et chants plus clairs tout en alternant différents mouvements des plus ardents, le tout accompagné par un jeu de lumière de qualité qui accompagne la diction de l’américain.

Ce sera tout pour moi, j’ai pas assisté au set d’Etienne Daho (je l’ai juste aperçu de loin mais sans plus), ni à celui de The Voidz et de Mac Demarco. J’avais d’autres occupations ce soir-là.

Dream Wife au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Florian Soni Benga.

Mais je suis revenu le jour suivant et j’ai loupé le set de Tirzah (alors que c’était celui qui me tentait). Au final, c’est un mal pour un bien car le trio power-pop britannique de l’année 2018 nommé Dream Wife se charge de mettre le feu alors qu’il était à peine 18h30. Et sans surprise, le groupe féminin a déversé son énergie tout au long avec leur riot grrl redoutable, à l’image de leur premier album paru en janvier dernier (chroniqué ici) mais en beaucoup plus couillu que sur disque. Dénonçant à tout va les dérives sexistes et machistes d’une société binaire et genrée (en balançant des « Fuck the genders » de temps à autre), le groupe expédie en une demie-heure avec plus d’efficacité et plus d’insolence des hymnes que sont « Let’s Make Out » et « F.U.U. » en ligne de mire. Il y a des groupes qui sont mieux sur scène qu’en studio et Dream Wife en fait partie.

Lewis OfMan au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Florian Soni Benga.

Il est 19h maintenant et il est l’heure de passer à l’autre côté de la Grande Halle pour assister à la messe house funky acidulée et innocente de notre frenchy adoré Lewis OfMan. Depuis la parution de son EP Yo Bene au printemps 2017 (chroniqué ici), la popularité du beatmaker attitré de Vendredi Sur Mer a monté en flèche depuis qu’il a collaboré avec le rappeur irlandais Rejjie Snow. Il revient donc au Pitchfork afin de faire danser la foule avec ses compositions électro fleur bleue comme « Plaisir », « Flash » et autres « Le Métro et le Bus » qu’il interprétera avec aisance. Il sera également accompagné de la chanteuse Melina Leblanc qui interprétera « L’Amour au Super U » devant une foule conquise.

Car Seat Headrest au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Florian Soni Benga.

Suite à cela, retour à l’autre côté de la Grande Halle pour se préparer au retour de Car Seat Headrest après avoir donné un concert endiablé en mai dernier à la Villette Sonique. Toujours accompagné des membres du groupe Naked Giants comme la dernière fois, le prodige Will Toledo avec plus de cheveux que d’habitude électrise toute la salle avec son indie rock des plus insaisissables. En revisitant les titres phares de ses disques désormais classiques Teens Of Denial (chroniqué ici) (« Vincent », « Drunk Drivers/Killer Whales », « Fill In The Blank ») et Twin Fantasy (Face To Face) paru cette année (chroniqué ici) (« Nervous Young Inhumans », « Sober To Death », « Beach Life-In Death »), tout le groupe s’en donne à coeur joie pour enjailler la salle surtout Henry LaVallee de Naked Giants arboré d’un T-Shirt deux étoiles du maillot tricolore qui reste cantonné aux percussions. Une fois de plus, le gang n’a pas déçu.

Chromeo au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Florian Soni Benga.

Une fois l’intensité quelque peu redescendue, il fallait une fois de plus traverser l’autre côté pour Chromeo. Le duo canadien a publié un nouvel album cette année et le Pitchfork Music Festival Paris est l’endroit idéal pour défendre leur dernier bijou. Une fois de plus, leur disco-funk électronique quelque peu vintage et déluré fera danser la salle avec un beau soupçon de kitsch ceci dit en revisitant des anciens tubes comme « Night By Night ».

CHVRCHES au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Vincent Arbelet.

J’ai pas fait long feu parce que j’ai eu un petit creux donc j’ai involontairement boycotté le set de Bagarre. Mais j’ai assisté de loin au set de CHVRCHES qui s’est déroulé à 22h10 pétantes sans compter des fans qui sont restés devant leur scène et ont campé devant la scène pour eux. Avec une scénographie plutôt irréprochable, le trio écossais fait son retour au festival quatre années plus tard et ils ne se sont pas déguisés cette fois-ci. Lauren Mayberry qui possède une aura indéniable sur scène ainsi que son gang sont venus défendre leur fragile dernier album Love Is Dead (chroniqué ici) en jouant certains morceaux comme « Deliverence » et « Never Say Die » ou même des titres plus anciens de leurs deux albums précédents (« The Mother We Share », « Leave A Trace », « Never Ending Circle ») et ce façon plutôt honorable.

Blood Orange au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Alban Gendrot.

Mon dernier concert de la soirée est certainement une des têtes d’affiche les plus attendus que j’ai nommé Blood Orange. C’est pas tous les jours que Dev Hynes passe à la capitale donc c’était l’occasion rêvée de le revoir. Cette année, il avait fait un come-back honorable avec son somptueux Negro Swan (chroniqué ici) et il est venu avec son live band dont un saxophoniste, un claviériste et deux choristes féminines pour défendre son disque en interprétant des désormais connus « Charcoal Baby », « Family » et « Jewelry ». Assurément un des sets les plus aboutis de cette journée car la foule est enchantée par des morceaux plus anciens comme « Augustine », « Best To You » ou encore son désormais culte « Champagne Coast ». On n’a pas eu droit à du hip-hop au Pitchfork mais au moins on aura le R&B suave et protéiforme de Blood Orange et c’est toujours ça de gagné, surtout avec un « E.V.F. » en guise de clôture.

Muddy Monk au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Vincent Arbelet.

 

Passons maintenant au troisième et dernier jour du Pitchfork Music Festival en passant directement au set de Muddy Monk (car je suis arrivé après Michael Rault malheureusement) qui s’était déroulé à 18h05. L’artiste suisse qui avait publié son tout premier album Longue Ride (chroniqué ici) quelques jours après et c’était l’occasion rêvée de découvrir de nouveaux titres du prodige de la pop francophone. Et le bonhomme armé de ses claviers et machines autour de lui a réussi sa mission si ce n’est que l’on est emporté par une poignée de titres comme « En Léa », « Circuit 71 » et « Ocean » entre autres.

Snail Mail au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Maria Louceiro.

Suite à cela, on redescend sur Terre pour accueillir le retour de la jeune prodige Snail Mail qui suit juste après. Le monde de l’indie rock américain n’a d’yeux que pour elle depuis qu’elle a publié un des meilleurs albums de cette année nommé Lush (chroniqué ici) et c’est dire qu’elle était attendue au tournant. Comme pour Car Seat Headrest, elle est accompagnée de son live-band et c’est presque la même configuration que pour son set à la Villette Sonique. Mais qu’importe, le charme et la magie opère toujours autant surtout lorsqu’elle revisite des titres phares de son opus que sont « Pristine », « Heat Wave » ou encore « Speaking Terms ». Et comme six mois plus tôt, elle n’a pas déçu.

Stephen Malkmus & The Jicks au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Florian Soni Benga.

Même si Snail Mail est sans conteste la coqueluche de l’indie rock actuel, les vétérans ont quand même quelque chose à dire. A 19h30, Stephen Malkmus & The Jicks que je ne présente plus étaient attendus au tournant. Au printemps dernier, ils avaient effectué un come-back honorable avec leur dernier opus en date Sparkle Hard (chroniqué ici). L’occasion rêvée de les voir jouer certains morceaux comme « Cast Off », « Middle America » et « Shiggy » mais aussi d’autres titres anciens avec « Cinnamon and Lesbians » et « Witch Mountain Bridge » d’une fluidité remarquable. Et pour les plus nostalgiques d’entre nous, nos héros slacker nous ont quand même gratifié d’une reprise de Pavement en fin de set avec « Starlings of the Slipstream », donc oui pouces en l’air !

Unknown Mortal Orchestra au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Florian Soni Benga.

Suite à cela, c’est au tour d’Unknown Mortal Orchestra de faire leur retour à 20h20. Le groupe de rock psychédélique le plus groovy du moment néo-zélandais mené par le charismatique Ruben Nielson fait son retour au Pitchfork trois ans après au même endroit et à la même période pour défendre leur dernier album Sex & Food paru au printemps dernier (chroniqué ici) mais pas leur disque instrumental expérimental IC-01 Hanoi paru quelques jours plus tôt (chroniqué ici). Ils nous ont joué quelques morceaux de leur dernier opus comme « American Guilt » et « Hunnybee » même si l’on regrette l’absence de « Major League Chemicals » et de « Everyone Acts Crazy Nowadays ». Mais cette absence est compensée par leurs tubes toujours aussi mémorables comme « Ffunny Ffriends », « Necessary Evil » mais encore « Multi-Love ». Et comme les bonnes nouvelles ne suffisent pas, le titre « Can’t Keep Checking My Phone » viendra soulever la foule une fois de plus comme en 2015.

Bon Iver au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Vincent Arbelet.

Dernier set indie du festival avec celui que je ne présente plus: Bon Iver. La majorité du festival avait déjà campé devant la scène et c’était déjà bondé tout devant, d’autant plus que c’est Bon Iver et pas n’importe qui. De retour à la capitale parisienne, Justin Vernon et ses sbires continuent de promouvoir leur dernier album 22, A Million paru en 2016 (chroniqué ici). Avec la même scénographie que leurs sets précédents, l’atmosphère des Eaux Claires est plutôt bien retransmise à la Grande Halle avec un setlist plutôt fluide entre morceaux du dernier album (« 10 d E A T h b R E a s T », « 29 #Stafford APTS », « 8 (circle) ») et titres plus anciens (« Heavenly Father », « Perth », « Minnesota, WI »). Passant de l’indie folk à la pop baroque des plus maximalistes en passant par les dernières expérimentations électroniques, la foule est conquise par le groupe qui continue de bousculer les codes sans oublier la voix tantôt pure et naturelle de Justin Vernon parfois modifiée et robotique comme sur sa reprise a cappella de « Woods ». S’achevant sur un « 22 (OVER SOON) » et clôturant la grande messe indie du Pitchfork, place maintenant à la partie dancefloor.

Jeremy Underground au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo; Alban Gendrot.

Alors, je ne saurai pas faire de live-report des DJ sets qui ont suivi mais sachez que la foule était plutôt ravie du set de Jeremy Underground qui a fait un boulot remarquable. Mais les véritables moments-clés de cette nuit resteront les sets de DJ Koze (son album chroniqué ici) qui a délivré un set calibré et hypnotique mais aussi la coriace Peggy Gou (dont j’ai touché deux mots ici) qui a introduit son set par « Ghost Town » de Kanye West avant d’enchaîner sur un set irrégulier et décousu par moments certes mais incroyablement punchy !

DJ Koze au Pitchfork Music Festival 2018 – Crédit photo: Alban Gendrot.

Le gros point noir de cette huitième édition du Pitchfork Music Festival Paris restera l’absence totale de noms hip-hop par rapport à l’année dernière qui comptait quand même Loyle Carner, Rejjie Snow et Run The Jewels. Toutefois, ces cinq jours ont été riches en émotions musicales avec des groupes qui nous ont fait vibrer. Et c’est sans compter sur le choix méticuleux et sélectif du magazine de Ryan Schreiber qui continue à être influent au fil des années. Bref, cinq jours intenses que j’ai envie de revivre et il me tarde de voir ce qu’ils vont nous réserver l’année prochaine.

Par contre, je suis redescendu sur Terre directement quand j’ai consulté le solde du compte en banque à cause du Cashless. Ça, ça m’a piqué fort.