C’était en janvier 2015 peu après les attentats de Charlie Hebdo, Josh Homme a reçu un appel de la part du légendaire Iggy Pop (j’ai imaginé tout le dialogue à ma façon): « Ouais Josh, c’est Iggy. Bien ou quoi la famille ? ». Josh répond: « Ouais, ça peut aller et toi ? Dis-moi ce que je peux faire pour toi. » Iggy dit: « Ben écoute, j’ai grave envie de faire un disque là, juste pour le délire t’as vu. Et je me suis demandé si je pouvais passer à ton Rancho de Luna si il y a moyen, t’as vu ? ». Ce à quoi répond Josh: « Quand tu veux, pas de problème poto ! Si tu veux, je taffe sur cet opus avec toi ! » Iggy: « Mais de ouf, ce serait trop frais ! ». Ainsi, pendant deux mois, Iggy Pop et Josh Homme a travaillé dans le plus grand des secrets sur un album commun mais n’ont pas décidé de le sortir de suite.
Le 13 ou le 14 novembre 2015, le téléphone de Josh sonne: « Hey Josh, c’est Iggy, t’es à Paris là ? »? Josh répond: « Non t’inquiète, je suis à LA. Tout le monde m’a appelé là depuis hier soir. Dan de The Black Keys et pleins d’autres. Il se passe quoi à Paris au fait ? » Iggy: « Tu sais pas ? Il y a ces FDP de terroristes de Daesh qui ont mis le feu au Bataclan au concert de ton groupe [Eagles Of Death Metal]. Il y a 130 morts miskine ! » Josh: « Ouah chaud ! Jure c’est vrai ? Et Jesse et les autres, ils ont rien ? Et pour notre album, on fait quoi ? » Iggy: « Ouais on verra ça plus tard de toutes façons. On se tient au jus et tu fais attention à toi, hein ? ». Mi-janvier, un autre triste événement éclate: David Bowie est décédé et cela aura un profond impact pour Iggy Pop. « David était mon gars sûr, dit Iggy à travers ses larmes, je sais pas ce que je vais devenir sans lui. Et puis, on était censé taffer ensemble quoi ! C’est abusé… » Josh: « Je te comprends mon gars. La vie, c’est quelque chose quand même et on ne peut rien y faire hein… ». Et ainsi naquit Post Pop Depression.
Cet album constitue un exutoire pour Iggy Pop et Josh Homme. Pour l’iguane, c’est un moyen pour lui de gérer le deuil du Thin White Duke et de répondre à certaines questions existentielles qui le rongent sans cesse et pour Josh Homme, c’est sa manière de faire face à la vie post-attentats du 13 novembre 2015. L’union fait la force surtout dans l’adversité et ils sont aidés de Dan Fertita (Queens Of The Stone Age) à la basse et de Matt Helders (Arctic Monkeys) à la batterie. Le premier titre « Break Into Your Heart » est exactement ce que l’on attendait du superduo: du rock’n’roll posé et envoûtant où l’iguane pose sa voix grave et ses paroles touchantes. L’hypnotique et envoûtant « Gardenia » s’avère surprenant avec son riff de guitare gentiment emprunté à My Bloody Valentine tandis que « American Valhalla » (« I’ve nothing but my name » chante-t-il) prouve que le tandem pousse les limites au possible avec son introduction orientale et son vibraphone hypnotique.
On retrouve quelques ingrédients qui ont bâti la légende de l’iguane de 68 ans à la sauce Josh Homme. Par exemple, les rock’n’roll « In The Lobby », « German Days » et le métronomique « Sunday » sonnent exactement comme du Stooges remis au goût avec un soupçon de stoner rock californien. La plupart du temps, il est secondé par des chœurs féminins pour sublimer le tout notamment sur la fin de ce dernier où cela vire dans un trip orchestral. Cependant, « Vulture » est plus difficile d’accès à cause de son bordel monstre mais est vite sauvé par l’excellente ballade « Chocolate Drops » poppy avec la voix aiguë de Josh Homme en fond sonore. Après un « Wild animals never wonder why, they just do what they goddamn do » chanté, le dernier titre « Paraguay » débute tranquillement avec l’iguane livrant sa dernière lettre de noblesse et n’hésite pas à en rajouter une couche dans la seconde partie de la chanson plus fougueuse et énergique où il balance un gros « fuck you » à la société pervertie par les nouvelles technologies en spoken-word. Un bon moyen pour clore ce Post Pop Depression.
Je l’admets, ce Post Pop Depression possédant des airs de disque final de l’iguane tient toutes ses promesses. Iggy Pop a su se mettre à nu et retrouver la fougue d’antan afin de conclure sa carrière discographique sur une très bonne note. Espérons qu’il libérera à nouveau la fauve en lui lors de ses prochains concerts.
Note: 7.5/10