Je me suis rendu au Point Éphémère pour le Disquaire Day en avril dernier. Après avoir profité des sets de Nada Surf, d’Iko Chérie, de Bagarre et autres, voici que deux jeunes filles s’installent sur scène sans nous dire bonjour, sans se présenter ni rien du tout. Pourtant, le public était captivé par ces adolescentes britanniques pour leur musique assez particulière et mystique, on aurait cru que ça sortait d’un film de medieval fantasy ou un truc du genre. Le nom du duo ? Let’s Eat Grandma.
Jenny Hollingworth et Rosa Walton ont entre 16 et 17 ans et ont déjà le monde à leurs pieds. Après s’être fait remarqués sur la toile avec leur titre « Deep Six Textbook » quelques mois plus tôt, les deux Britanniques ont suscité l’engouement, à un tel point que le premier album I, Gemini était attendu de grandes pompes. Et on est pas déçu du résultat: 10 titres de sludge-pop psychédélique comme le veut le duo. Impossible de ne pas faire de comparaisons avec CocoRosie avec des morceaux enchanteurs comme la ballade « Deep Six Textbook » où les xylophones et claviers retentissent ainsi que les applaudissements rythmés. Il faudra attendre de longues minutes pour que retentisse la voix des deux demoiselles.
Et le schéma reste sensiblement le même (introduction instrumentale longue, etc…) avec les titres progressifs comme l’épuré « Eat Shiitake Mushrooms » où elles n’hésitent pas à rapper sur une instru synthétique comprenant un xylophone enjoué ou encore le très évocateur « Sax In The City » avec un vibrant solo de saxophone glissé en plein milieu de morceau. Ces dix morceaux sont extrêmement longs, allant jusqu’à 6 minutes 30, mais c’est assez suffisant pour exprimer toute la créativité de Let’s Eat Grandma. Ainsi, le duo excelle aussi bien avec les sonorités asiatiques sur « Chimpanzees In Canopies »qu’avec la musique baroque sur le dramatique « Rapunzel » et son introduction pianistique virtuose pouvant faire office d’un film de Disney. Sur « Sleep Song » aux airs d’Ariel Pink, elles parviennent à rendre leur musique complexe: débutant tout doucement avec des notes de guitare et d’accordéon, Hollingworth et Walton font tourner son auditeur en bourrique avec son lot d’arrangements abracadabrantesques et schizophrènes jusqu’aux cris perçants en fin du morceau. Frissonnant, n’est-ce pas ? Et c’est pas encore fini ! « Welcome To The Threehouse », divisé en deux parties, est aussi une oeuvre bien complexe digne de ce nom. Après une première partie éthéreée bien reposante vient débouler une seconde partie plus dense aux rythmiques tribales et aux chants démultipliées prouvant que le répit n’est que de court terme. Malheureusement que la conclusion voix/ukulélé de « Uke 6 Textbook » (reprise de « Deep Six Textbook ») viendra mettre fin à la rêverie d’I, Gemini mais cela permet à Let’s Eat Grandma de clore cet opus sur une note d’espoir.
Voilà donc la surprise en ce milieu d’année qu’est I, Gemini de Let’s Eat Grandma. Les deux amies d’enfance possèdent une incroyable originalité qui dépasse le cadre de la pop progressive et nous entraînent dans un univers surréaliste et spécial où tout est possible. Elles peuvent se vanter d’avoir sorti un des opus les plus originaux et les plus remarquables de 2016, ce qui est quand même quelque chose. Le résultat est pareil en live et d’ailleurs, elles seront en tête d’affiche pour le festival des Inrocks en novembre prochain.
Note: 10/10
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