Sean Bowie alias Yves Tumor avait fait ses premières armes en 2015 avec son premier album auto-produit When Man Fails You et a renchéri l’année suivante avec Serpent Music. Le musicien/producteur né dans le Tennessee mais basé à Turin est remarquable pour ses contrées R&B expérimental proche de Lotic, Mykki Blanco et Chino Amobi. Sa musique mutante est arrivée jusqu’aux oreilles de Warp Records qui le signe sur le champ et le voilà attendu au tournant avec son troisième opus intitulé Safe In The Hands of Love.
Une fois de plus, Yves Tumor continue à mêler R&B, pop, trip-hop et expérimentations diverses à travers cette odyssée ambitieuse transgressant les genres. Avec Safe In The Hands of Love, on ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre avant d’appuyer sur la touche Play. Après un sample jazzy du plus bel effet de « Faith In Nothing Except In Salvation », nous voici embarqué dans un voyage mutant où les collages de samples sont jetés aléatoirement en pâture sur « Economy of Freedom » comptant également Croatian Amor dans les rangs avant de devenir une sublime ballade aérienne.
La voix d’Yves Tumor surgit de l’inconnu et a de quoi rappeler celle de King Krule, voire même celle du regretté Joe Strummer sur des morceaux de bravoure comme « Honesty » qui comprend une basse acide résolument 90’s ou encore la berceuse trip-hop de « Licking An Orchid » parsemé de cris en arrière-plan et de guitare. Le décor que nous offre le musicien est tout simplement kaléidoscopique où les frontières n’existent plus, où les moments accessibles d’une beauté exceptionnelle comme les très beaux arrangements de cordes de « Noid » et l’épique « Lifetime » font écho au terrifiant et noisy « Hope In Suffering (Escaping Oblivion & Overcoming Powerlessness) » comprenant un spoken-word sous un fond apocalyptique.
Il y a une raison pour laquelle Yves Tumor veut bousculer les codes sur ce Safe In The Hands of Love. Pour ce troisième opus où il ira confronter les sonorités ambient, R&B expérimental, dream-pop, noise, trip-hop et rock alternatif des années 1990 pour n’en faire qu’un et le fait que la beauté et la laideur se rejoignent, c’est tout simplement pour véhiculer sa paranoïa persistante et ses obsessions en tant qu’artiste transgenre en quête d’identité. Il suffit d’écouter à plusieurs reprises certains morceaux comme « Recognizing The Enemy » et le fugace « All The Love We Have Now » pour s’en rendre compte du message que le producteur laisse passer. Et rien que pour ce mélange des genres (sans jeu de mots) et son sens de l’expérimentation, il signe une des œuvres les plus viscérales et originales de ces derniers temps qu’il était donné d’entendre.
Note: 9.5/10