Entre une pandémie mondiale interminable, des sociétés de plus en plus divisées sous fond de tension raciale et sexiste ainsi que des gouvernements mondiaux prenant leurs populations pour des débiles mentaux, il ne faudra pas grand chose pour que Godspeed You! Black Emperor sorte de ses gonds. La mythique formation post-rock canadienne avait pourtant fait part de leur optimisme avec leur précédent album Luciferian Towers (chroniqué ici) mais ils ont été naïfs cette fois-ci. Cette année, ils reviennent dresser un tableau post-apocalyptique et alarmiste sur G_d’s Pee At STATE’S END!
Revenant aux bases qui ont été posés sur leurs disques fédérateurs que sont F♯ A♯ ∞ et Lift Your Skinny Fists Like Antennas To Heaven, Godspeed You! Black Emperor se positionne en tant que porte-parole de notre époque bien sombre et inquiétant. Convoquant field recordings, post-rock lyrique et passages drone-ambient inattendus, le groupe sort l’artillerie lourde avec le premier morceau de 20 minutes intitulé « A Military Alphabet (five eyes all blind) (4521.0kHz 6730.0kHz 4109.09kHz) / Job’s Lament / First of the Last Glaciers / where we break how we shine (Rockets for Mary) » reprenant là où ils se sont arrêtés deux ans et demi plus tôt. Le groupe montréalais saura installer une tension palpable avec son long crescendo sans oublier cette production faisant transparaître toute l’intensité des instruments avant d’exploser en plein vol afin de laisser place à de dernières minutes plus lumineuses où les grosses guitares s’effacent peu à peu.
Ce n’est pas fini car voici venir une autre pièce maîtresse de 20 minutes qui s’intitule « « Government Came » (9980.0kHz 3617.1kHz 4521.0 kHz) / Cliffs Gaze / cliffs’ gaze at empty waters’ rise / Ashes to Sea or Nearer to Thee » qui est menée par une ligne de basse malicieuse prenant de l’ampleur. À ceci s’ajoutent des influences pour les moins prog où des lourdes distorsions de guitare et un rythme qui s’emballe avant de céder à une explosion magistrale d’arrangements de cordes. Il ne fait aucun doute que Godspeed You! Black Emperor sait maîtriser son art audiovisuel afin de distiller des messages pour nous inciter à ouvrir notre troisième œil face aux grandes institutions qui nous dupent chaque jour. Entre les deux chefs-d’œuvre surgissent « Fire At The Static Valley » reprenant là où s’est arrêté « A Military Alphabet » pour six minutes supplémentaires ainsi que le dernier morceau étrangement éthéré et sublime qui s’intitule « Our Side Has To Win (For D.H.) » faisant office d’optimisme et d’espoir montrant que la balle est dans notre (nous, le peuple) camp face à ces institutions.
Cette période bien sombre, Godspeed You! Black Emperor saura la retranscrire en musique. À chaque disque, le groupe montréalais sait sortir de ses gonds en se réappropriant le contexte que nous vivons afin de provoquer ce sentiment de révolte et d’insoumission en nous et c’est ce qui rend ce G_d’s Pee At STATE’S END si remarquable de nouveau.
Note: 9/10