Tout le monde se souviendra de l’incroyable chef-d’œuvre d’Amen Dunes que fut Freedom paru il y a six années de cela (chroniqué ici). Damon McMahon avait marché sur les pas de The War On Drugs et de Kevin Morby avec des compositions aériennes et voyageuses lui ayant permis de gravir de nouveaux échelons avant de disparaître gentiment de la circulation. Il faudra attendre six longues années pour que le musicien américain puisse faire son grand retour avec son successeur tant attendu du nom de Death Jokes qui s’avère bien surprenant.
Durant ces années de silence radio, Amen Dunes a traversé énormément d’épreuves ayant goûté à la paternité mais aussi en tombant gravement malade pendant la pandémie. Quoi qu’il en soit, le musicien américain compte se renouveler après avoir vécu de nombreuses péripéties l’ayant profondément marqué. Exit donc les influences Americana de Freedom, Death Jokes puisera son inspiration auprès des musiques électroniques et du hip-hop où il privilégiera de plus en plus les samples, les boîtes à rythme et les field recordings tout en éloignant le scope sur lui-même mais sur l’Amérique nourrie par la violence sous toutes ses formes. Le résultat est à la fois déconcertant et immersif avec entre autres un « Ian » aux samples vocaux oppressants ou bien encore « Joyrider » ainsi que « Predator » et « Solo Tape » ne dépassant pas les deux minutes mais montrant totalement un Damon McMahon à l’aise dans ses nouvelles expérimentations.
Mêlant avec beaucoup de réussite le synthétique et l’organique notamment sur « What I Want » mené au Mellotron qui est une merveilleuse ode à son enfant (“I will place my knife, Dear, here on the ground, you can stick it to me, to keep me around / Sleep little baby sleep, and I’ll find you in your dreams”, chante-t-il) ou bien également sur « Exodus », Amen Dunes réussit à se renouveler comme il se doit. Alternant moments rave-rock comme l’effréné « Rugby Child » et des ballades introspectives telles que « Purple Land » qui montre son aspect terre-à-terre (« Life goes by but I don’t mind », lance-t-il à un moment), ses expérimentations peuvent dérouter mais on réussit à plonger dans sa psychologie de la plus belle des manières surtout lorsqu’il frôle de très près la musique concrète sur la section rythmique solide de « Boys » et de la pièce maîtresse de neuf minutes qu’est « Round The World » débutant par une ballade au piano prenant une dimension de plus en plus dance avant de s’achever sur un sample d’une interview de la compositrice française Nadia Boulanger parlant de l’importance de rester proche de son art.
Des samples, il en est question notamment sur la conclusion faussement instrumentale nommée « Poor Cops » mené au luth. Amen Dunes ira sampler les voix de Richard Pryor et de Lenny Bruce avant que les dernières secondes se clôturent sur la voix du regretté J Dilla parlant de sa frustration au niveau des lois américaines concernant le sampling. De quoi clôturer ce Death Jokes bien surprenant où Damon McMahon saura concilier la douceur et le viscéral ainsi que le réel et l’irréel. Bien que nous sommes à mille lieues de Freedom, les qualités mélodiques de l’artiste sont remises au goût du jour pour mieux nous transporter dans de nouvelles contrées.
Note: 8/10