En 2007 dans la fameuse ville de Calgary au Canada, quatre garçons formaient un groupe nommé Women. Le line-up consistait de Patrick Flegel au chant et à la guitare, de son frère Matthew à la basse et au chant, de Michael Wallace à la batterie et de Christopher Reimer à la guitare, au sampler et au chant. Le quatuor a signé deux albums – Women en 2008 et Public Strain en 2010 sur le label Jagjaguwar – qui furent acclamés par la critique, la presse et le public. Mais très vite, ça va partir en couilles dans le groupe car en 2010, une baston éclate lors d’un concert et très vite des rumeurs de séparation se propagent. Suite à cette petite mésaventure, le groupe fera face à un terrible drame deux ans plus tard : en effet, le guitariste Christopher Reimer est décédé (les causes de sa mort resteront inconnus à ce jour), signifiant ainsi la fin de l’aventure Women. Cette même année, en 2012, Matthew Flegel et Michael Wallace forment un nouveau groupe qui sera Viet Cong aux côtés de Scott Munro à la guitare et aux claviers et Daniel Christiansen à la guitare. Le nouveau groupe sortira ainsi son fameux EP Cassette sur le prestigieux label Mexican Summer l’année dernière et les voilà avec un premier album éponyme sur le label Jagjaguwar, enregistré dans une étable à Ontario remodelée en studio.
Et autant vous le dire de suite, nous avons affaire à un très grand disque. Sept morceaux de « post-punk labyrinthique » pour 37 minutes au programme, mais Viet Cong a quand même le sens de la prise de risques et du DIY. Viet Cong commence donc là où Cassette s’est achevé, on plonge directement dans les ténèbres les plus obscurs avec l’introductif « Newspaper Spoons » sonnant comme une marche funeste où Flegel accentue ses paroles à un rythme quasi-militaire avant que n’arrive des synthés aériens qui apportent la lumière à ce titre très sombre. Le titre suivant « Pointless Experience » est certainement un des morceaux les plus accessibles de l’album grâce à son riff de guitare acéré, sa ligne de basse redoutable et son synthé hypnotique menant la danse. « March Of Progress » est, quant à elle, divisée en 2 parties : une première partie instrumentale limite indus où une boîte à rythme lourde et un synthé inquiétant donnent le ton tout en grimpant en intensité et une seconde partie, à partir de la troisième minute, plus calme et mélodique avec un chant des plus angéliques à la limite du pop-folk avant de s’achever sur un rythme plus rapide et plus explosif. Voilà donc un bel exemple d’inventivité sonore que ce « March Of Progress » qui saura étonner plus d’un.
La suite est toujours aussi réjouissante avec « Bunker Baster » très rock certes basique mais efficace et imparable à souhait, la désormais classique et indispensable « Continental Shelf » qui vaut à elle seule l’intérêt de l’écoute de ce premier album, angoissant sur les couplets et lumineux sur le refrain et enfin « Silhouettes » aux frontières du punk où les instruments suffisent pour donner une œuvre énergique et brute à part entière. Mais la vraie pièce maîtresse se nomme « Death » car elle correspond parfaitement au terme de « post-punk labyrinthique » : décrit comme étant un hommage à Christopher Reimer, ce monument de 11 minutes débute tout doucement avec ses arpèges de guitare mélancoliques qui rentrent dans la tête afin de ne plus jamais en sortir. S’en suit alors une longue montée en puissance instrumentale des plus discordants qui nous entraîne ainsi dans une spirale infernale. Le rythme ralentit un peu avant de reprendre sa course pour un final plus punk résolument noisy d’une intensité folle qui vous coupera littéralement le souffle et qui vous fera dire « Oh shit ! ».
Vous l’avez compris, Viet Cong signe ici un chef-d’œuvre de post-punk ténébreux, agité et cohérent de A à Z, sans aucune fausse note. La première grosse claque de 2015 en somme.
Note: 9/10