« There’s a party in my head and no one is invited », clamait Kevin Parker sur le titre « Solitude Is Bliss » extrait du premier album Innerspeaker de Tame Impala en 2010. A cette période, le groupe australien était sur sa lancée et prenait avec brio le flambeau du rock psychédélique des années 1960-1970. Ce petit succès sera encore plus grand avec l’arrivée du second opus Lonerism deux ans plus tard. Cet album de la consécration, acclamé par les fans et les critiques, comptant les fameux tubes « Elephant » et « Feels Like We Only Go Backwards » verra Kevin Parker et ses acolytes comme étant le groupe prodige du moment. Après deux excellents albums, l’heure est venu de se remettre à la tâche avec un troisième disque Currents qui amorce un virage musical aussi attendu que surprenant.
Jay Watson annonçait que le troisième album de Tame Impala sera moins rock et plus électro, Kevin Parker le confirmera aussitôt, tout en ajoutant que Currents aura des sonorités R&B et disco. D’un côté, ce virage était attendu car on avait vu Kevin Parker collaborer avec Mark Ronson sur trois titres du très funky Uptown Special (lire la chronique ici) ainsi que Pond (la ramification de Tame Impala) qui nous a offert une odyssée spatiale psychédélique résolument funky et barré sur Man, It Feels Like Space Again (lire la chronique ici), il était presque évident que Tame Impala allait poursuivre dans cette voie.
Après avoir chanté sa solitude sur les deux albums précédents, Kevin Parker a atteint des sommets de lucidité sur Currents. En effet, ici, il évoque les changements personnels ainsi que les ruptures amoureuses. Sa rupture avec Melody Prochet aka Melody’s Echo Chamber lui aura été une très grande inspiration lyricale pour Currents et permis d’être lucide par rapport à lui-même. « Yes, I’m Changing » comme il le chante et on ne peut pas lui en vouloir: le changement c’est maintenant, comme le dit un fameux slogan. Dès lors, sur « Eventually », il parvient à réaliser que l’amour ne dure qu’à un moment déterminé. Sur des titres comme « Love/Paranoia », ses craintes l’inondent tandis que sur « The Less I Know The Better », il affirme qu’il est dur de passer à autre chose. Après avoir réalisé ses erreurs sur « Cause I’m A Man », la raison prend le dessus sur « New Person, Same Old Mistakes » où il est question de changement personnel afin de se préparer aux futures expériences.
Après avoir analysé la psychologie de Kevin Parker, qu’en est-il de la musique ? Et bien, le changement se fait également au niveau musical. Comme je l’ai dit plus haut, Tame Impala a troqué son rock psychédélique pour des sonorités plus électro, funk et disco. Ecrit, composé, produit, arrangé et mixé par Kevin Parker himself (comme sur les précédents disques, c’est lui qui joue de tous les instruments), les guitares sont rangés au placard au profit des synthétiseurs. Il n’est pas rare de croiser du Daft Punk période Random Access Memories, le King of Pop (dont le groupe a repris le célèbre « Stranger In Moscow » l’an dernier) et autres sur Currents. Le titre d’ouverture de 8 minutes « Let It Happen » a surpris pas mal de monde avec son rythme disco, sa ligne de basse, ses synthés planants ainsi que son gimmick de disque rayé. Le très pop « The Moment » à la ligne de basse ronde suit sa lancée avant que des ballades rêveuses et soulful viendront prendre le relais et qui vous emmèneront très loin (« Yes, I’m Changing », « Eventually » et « Cause I’m A Man »). Impossible non plus de faire l’impasse sur LE tube du disque qu’est le disco-funk irrésistible « The Less I Know The Better » qu’on écoutera volontiers au bord de la piscine avec une boisson fraîche à la main ou encore l’incongru « Past Life » où Parker utilisera le vocoder comme le fameux duo casqué. Les interludes synthétiques « Nangs » et « Gossip » assurent parfaitement la cohésion du disque alors que la lo-fi « Disciples », le seul titre de l’album où les guitares se font bien entendre, viendra réconcilier les aficionados des deux premiers albums. Dans tous les cas, l’épique « New Person, Same Old Mistakes » viendra conclure avec génie ce Currents.
Après avoir changé de label pour Interscope Records (pour problème de royalties), Currents est donc un nouveau chapitre de Tame Impala qui débute. La voix de Kevin Parker est énormément mise en avant et plus claire, les synthés donnent le ton et les influences funky sont parfaitement bien assumées. Il est clair que les aficionados pourront regretter le manque de titres expérimentaux à la « Nothing That Has Happened So Far That Anything We Could Control » mais seulement voilà, Kevin Parker décide d’aller en territoires inconnues pour toucher un plus large public. Il en résulte un bijou fantastique et extrêmement divin qui tutoiera à nouveau les sommets pendant un bon bout de temps. Oui, il change et il faudra faire avec.
Note: 10/10