Kevin Morby – Singing Saw

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Ce n’est plus un secret pour personne désormais mais Kevin Morby a connu une sacrée trajectoire musicale. Il a d’abord officié à la basse chez le prolifique groupe folk psychédélique new-yorkais Woods avant de monter le groupe The Babies avec Cassie Ramone, ex-Vivian Girls. Suite à cela, le musicien embarque dans une carrière solo avec deux très bons albums Harlem River en 2013 et Still Life en 2014. Cette année, il est signé sur le label Dead Oceans et publie sans conteste un des albums marquants de cette année nommé Singing Saw, enregistré à Los Angeles lassé de la Big Apple.

Entouré de Sam Cohen du groupe Apollo Sunshine, Kevin Morby s’est largement inspiré de Bob Dylan et de Leonard Cohen pour nous offrir un disque parfait du début à la fin. Les arrangements musicaux sont plus riches et luxueux (avec en prime la participation des musiciens du The Complete Last Waltz), les compositions sont plus élégantes et très travaillées nous rappelant l’âge d’or de la musique folk des années 1960-1970 parfaitement remis au goût du jour. Dès le premier titre « Cut Me Down », on est embarqué dans un paisible trip musical avec la voix hantée de Kevin Morby et son instrumentation minimaliste mais envoûtant. « I Have Been To The Mountain », inspiré par la mort d’Eric Gardner, citoyen afro-américain, injustement abattu et étranglé par la police en 2014 alors qu’il était asthmatique (« That man lived in this town ’til that pig took him down and have you heard the sound of a man stop breathing, pleading ? »), continue ce périple et prend des proportions grandioses avec ses chœurs gospel, ses cuivres vibrants et sa ligne de basse groovy, contrastant avec le thème du morceau

Et on est pas au bout de nos surprises car le titre éponyme aux airs de folk plus contemporain et « Drunk And On A Star » nous emportent loin avec ses nombreux instruments en parfaite symbiose (d’ailleurs, il clame sur ce dernier un « Have you heard my guitar singing as it rises from the Earth ? »). Après ces deux instants de douceur, place maintenant à la furie avec « Dorothy » où Kevin Morby fait l’éloge de sa guitare qui l’a accompagné pendant de nombreuses années. Résolument tubesque, ce titre très rock à la basse fuzzy et au riff implacable entrecoupé par de petits instants d’envolées de piano (« And I could that piano play, it’d go like… ») contraste avec l’ambiance générale de l’opus. Et du piano, il en est question avec la très ballade piano-voix de « Ferris Wheel » et la ritournelle hypnotique « Destroyer » avec ses magnifiques arrangements de cordes, ses chœurs féminins vaporeux et son solo de saxophone pour sublimer le tableau. Les deux derniers titres de Singing Saw ne sont pas en reste non plus avec la ballade acoustique peaufinée de « Black Flowers » et « Water » plus country-folk qui est aussi touchant qu’un coucher de soleil sans oublier sa guitare slide et les intonations vocales du bonhomme proches de Dylan.

Après Plaza de Quilt, ce sera Singing Saw qui méritera son 10 sur 10 cette année. Et pour cause, l’ex-bassiste de Woods se démarque de ses anciens compères en élargissant sa palette musicale et émotionnelle pour nous offrir une grande oeuvre riche et très travaillée. Un peu comme Kurt Vile avec The War On Drugs, Kevin Morby définit les codes de l’indie folk à travers des compositions renversantes. Un très grand bravo à lui mais aussi à Sam Cohen qui a lui aussi droit à sa part du mérite.

Note: 10/10