Camille – OUÏ

Cela fait six ans qu’on n’avait pas eu de nouvelles de l’artiste la plus déjantée et la plus créative de la scène française, j’ai nommé Camille. Son dernier album Ilo Veyou contenant entre autres « Mars Is No Fun » et « Allez Allez Allez » (qui a valu le titre de chanson de l’année aux Victoires de la Musique 2013, sans qu’on sache vraiment pourquoi…) a recueilli pas mal de suffrages, tout simplement grâce à l’énergie débordante de la chanteuse. Nous sommes en 2017 et elle nous revient comme une fleur avec un nouvel album nommé OUÏ toujours aussi imaginatif.

Quelques mois plus tôt, elle affirmait: « Je voulais faire un disque protestataire, je voulais dire « non ».Et voilà que je dis « OUÏ ». Dans OUÏ, il y a tout : la rondeur du O, l’ouverture du U, la droiture du Ï. Tout ce que je souhaite dire, être et devenir. Aucun obstacle au chant des voyelles, au battement du cœur, du OU au Ï, de l’obscurité à la lumière, du grave à l’aïgu, de la terre aux nues, du tambour à la voix, de lui à moi. Et au bout du labeur : le Ï tout OUÏ, et ses deux poings levés vers le ciel ». Et voilà que l’on a le tableau avec ce nouvel opus qui, musicalement parlant, évoque la tension et l’intensité de son magnum opus Le Fil paru en 2005. Après avoir joué avec les aspects soul et pop sur Music Hole en 2008 et avec les cordes sur Ilo Veyou en 2011, la chanteuse se munit des voix, des percussions ainsi que des boucles électro discrètes et d’un synthétiseur Moog sur ce nouvel album.

Ce qui frappe d’emblée, c’est l’ambiance sonore minimaliste et plus sombre qu’à l’accoutumée comme le prouve les morceaux « Sous le sable » et « Lasso » sans oublier l’élégant et somptueux « Fontaine de Lait » montrant une Camille toujours au sommet de son art. Et on sent qu’elle possède toujours l’imagination avec notamment la mort de son père (« Fille à papa »), la naissance de son enfant ou encore les attentats qui ont touché le sol français en 2015-2016 comme principales sources d’inspiration. Malgré ce décor quelque peu obscur (« Je ne mâche pas mes mots », « Nuit Debout » avec sa parfaite introduction, « Piscine », « Langue »), elle n’oublie pas non plus de se lâcher comme dans le temps en réinventant une ritournelle médiévale sur « Les Loups » ou encore sur le déjanté « Twix ». La voix soprano de la parisienne reste toujours aussi intacte et se fond parfaitement dans la masse, notamment sur le bouleversant « Seeds », seul titre chanté en anglais, ainsi que sur la conclusion fondante nommée « Langue » qui ont de quoi vous mettre en apesanteur.

On est éblOUÏ et inOUÏ par ce nouvel album très riche qui dévoile un autre aspect artistique de Camille. Malgré sa courte durée, l’artiste a atteint une nouvelle phase de créativité prouvant que la voix est un instrument principal répondant parfaitement aux services de différents rythmes pulsatifs. Un disque minimaliste à la fois intense et lumineux montrant de très bonnes perspectives d’évolution pour l’interprète de « Ta douleur ».

Note: 8.5/10

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