Sleater-Kinney – The Center Won’t Hold

Chaque album de Sleater-Kinney est toujours un événement sur la scène indie rock. Il faut croire que le trio féminin d’Olympia qui fête ses 25 ans de carrière met tout le monde en haleine à chaque sortie. On en veut pour preuve leur avant-dernière sortie en date de 2015 nommée No Cities To Love (chroniqué ici) qui fut un incroyable retour en puissance après une décennie d’inactivité. Alors comment se fait-il que leur tout nouvel album intitulé The Center Won’t Hold soit une sortie douce-amère ?

Il y a tout simplement deux bonnes raisons. La première raison est tout simplement due au fait que Sleater-Kinney a préféré s’acoquiner les services d’Annie Clark alias St. Vincent aux commandes de cet opus. Et forcément, pour les fans hardcore du trio, on ne voit pas ça d’un très bon œil vu que le riot grrl des grandes dames est très éloignée de l’art-rock bien fancy de la new-yorkaise. Et nos craintes se sont confirmées lorsque (seconde raison) l’iconique et bien-aimée batteuse Janet Weiss a déclaré quitter le groupe après 23 années de bons et loyaux services attestant que « le groupe part dans une nouvelle direction et il est temps pour moi de tourner la page ». Du coup, ambiance sale. A-t-elle vu venir le virage qu’a pris le groupe pour The Center Won’t Hold ? C’est ce que nous allons répondre.

Dès le premier titre, il ne fait aucun doute: Sleater-Kinney pose les bases de leur nouveau son. Plus froid, plus industriel qu’a l’accoutumée avec ses synthés distordus, le titre progresse au fur et à mesure avant d’exploser sur une furie grungy sans oublier l’interprétation haletante de Corin Tucker qui ne prend jamais une ride. Il ne fait aucun doute que la patte arty de St. Vincent s’impose tout au long de ce projet avec « Hurry On Home » où le trio va jambon comme auparavant et qui ironise la relation secrète entre les deux guitaristes Carrie Brownstein et Corin Tucker mais également la synthpop de « Reach Out » et du Kraftwerkien « LOVE » plus métronomique ou bien encore les accents new wave de « Can I Go On ».

Il est clair qu’à la première écoute, cela surprend. Même si St. Vincent Sleater-Kinney veut digitaliser sa musique, elles n’ont rien perdu de leur engagement féministe et leur rage. En pleine ère #MeToo, le trio a aussi son mot à dire sur « RUINS » qui attaque directement l’administration Trump avec ses relents électroniques bien inquiétants mais également « The Future Is Here » et le fait encore d’une justesse redoutable avec ses textes que l’on chantera à tue-tête en live. Elles arrivent à se faire plus touchante notamment sur le dernier morceau acoustique « Broken » attaquant les dérives de la toxicité masculine avec brio et qui achèvera ce nouvel opus sur un ton… doux-amer.

Doux-amer car on regrettera quelque peu le son naturel du trio d’antan où les légendaires martèlements de batterie de Janet Weiss faisaient légion, les riffs de guitare bien grungy du duo Brownstein/Tucker décrassaient les tympans comme n’importe qui d’autre. Ceci dit, on ne pourra pas en vouloir à Sleater-Kinney de vouloir se renouveler sans perdre leurs origines riot grrl. On ne pourra non plus en vouloir à St. Vincent de les emmener plus loin au lieu de dénaturer leur son comme Danger Mouse avait fait aux Black Keys autrefois. Sur The Center Won’t Hold cependant, il manque un petit quelque chose pour que le désormais duo de Washington passe l’épreuve du 2.0.

Note: 8/10