Alors oui, on est tous d’accord pour dire que l’année 2020 est une année de merde. Je suis le premier à le penser et à le clamer haut et fort sur ce site de nombreuses fois. Tandis que l’on s’approche de l’automne et de la fin de l’année, on a peur que cela empire et la dépression saisonnière guette son coin. Fort heureusement, il y a quelques rares bonnes nouvelles qui se propagent avec notamment le retour surprise de Fleet Foxes avec leur quatrième disque du nom de Shore paru le jour de l’équinoxe automnal.
Pour les rares personnes qui sont sortis dans les rues parisiennes le week-end dernier ont sans doute guetter les affiches annonçant un retour imminent d’un des plus grands groupes américains de ces derniers temps. Trois années après leur sublime Crack-Up (chroniqué ici), la bande à Robin Pecknold compte nous envoûter une fois de plus avec leur indie folk baroque et cinématographique et on en avait bien besoin. Écrit et composé après la majestueuse tournée de promo de leur précédent album, la tête pensante du groupe de Seattle ex-barbu ex-chevelu a pris deux ans pour l’accoucher mais n’a pas pu faire appel aux autres membres pour l’enregistrement à cause de cette foutue pandémie. L’occasion pour lui de peaufiner chaque détail avec l’aide de nombreux collaborateurs externes (Kevin Morby, Christopher Bear et Daniel Rossen de Grizzly Bear, Holy Hive, Homer Steinweiss…) avec une plus grande sérénité. Et c’est justement la sérénité qui prime étrangement sur ce quatrième disque tombant pile poil durant cette époque chaotique et qui est accompagné d’un moyen-métrage de 55 minutes disponible sur YouTube.
Moins prog que Crack-Up, Shore se veut plus optimiste mais toujours aussi lyrique et bouleversant. On en veut pour preuve l’élégante introduction nommée « Wading In Waist-High Water » où la voix de la nigériane Uwade Akhere ouvre le bal sur ces arrangements si précieux riches en cuivres et ces chœurs somptueux de la famille Leithauser accompagnant Robin Pecknold dans son introspection. De quoi débuter ce Shore sur de bons auspices incitant son auditoire à voir la vie sous un autre angle et en être reconnaissant en cette sombre période que l’humanité traverse avec les cinématographiques « Can I Believe You » on ne peut plus rock ou encore la folk-rock apaisante de « Sunblind » et « Jara ».
Il est question de rédemption et de lucidité au programme de ce quatrième disque avec entre autres les expérimentations quelque peu osées de « Featherweight » et de « Maestranza » ou les ambiances monastériennes de « A Long Way Past The Past » (“We’re a long way from the past/I’ll be better off in a year in two”, chante-t-il) et de « A Young Man’s Game » (“I could pass as erudite/But it’s a young man’s game”). Ici, Robin Pecknold se montre philosophique et lucide par rapport à ce qui l’entoure notamment à l’écoute de perles comme l’acoustique « I’m Not My Season » et les ambiances saudade aussi bien touchants que gracieux de « Going-To-The-Sun Road » conviant l’artiste brésilien Tim Bernades. On notera également le sample d’un morceau a cappella de Brian Wilson sur le tourbillonnant « Cradling Mother, Cradling Woman » prouvant que le bonhomme de Seattle serait peut-être le Brian Wilson des temps modernes.
En conclusion, Fleet Foxes s’est réinventé en déposant ses fardeaux sur ce sublime quatrième disque qu’est Shore. Moins complexe que ses prédécesseurs, il n’en reste pas moins lumineux, serein et élégant tant l’indie folk baroque et orchestral continue de faire effet et agit sur nous comme un remède à la morosité. C’est sans compter sur le talent de Robin Pecknold qui se laisse pousser des ailes et nous invite à se laisser emporter par cette vague d’émotions qui nous envahit. Un quatrième grand chef-d’œuvre salutaire idéal pour l’équinoxe d’automne.
Note: 9.5/10