Sufjan Stevens – The Ascension

The Age of Adz et Carrie & Lowell auront carrément fait notre décennie précédente. C’est sans compter sur le génie incommensurable de Sufjan Stevens qui n’est plus à présenter. Durant ces cinq années, le musicien était sur tous les fronts entre prestations remarquées aux Oscars, tournées mondiales et collaborations prestigieuses (B.O. pour Call Me By Your Name, Planetarium, Aporia avec son beau-père Lowell Brams…). La rentrée 2020 est donc marqué par son grand retour avec l’arrivée de son huitième album nommé The Ascension.

Après avoir établi son deuil sur le désormais mythique et bouleversant Carrie & Lowell, l’heure est venue pour Sufjan Stevens de revenir aux bases plus extravagantes et audacieuses. The Ascension débute par un « Make Me An Offer I Cannot Refuse » qui est une épopée électronique maximaliste traduisant cette sensation que l’on vacille entre rêve éveillée et réalité non désirée tout comme sur les éthérés « Run Away With Me » et « Lamentations ». L’interprétation toujours aussi angélique du natif de Detroit dégage un sentiment d’allégresse sur ces compositions pop expérimentales riches en bidouillages en tous genres que sont « Video Game » qui déplore une société aveuglée par les réseaux sociaux ou bien encore « Ativan » traduisant un monde en perdition où l’intranquilité gagne du terrain.

C’est avec des morceaux baroques et polyrythmiques ainsi que de collages synthétiques venues d’ailleurs qui n’ont rien à envier à ses œuvres du passé que Sufjan Stevens fait parler son art hors du commun. Si l’on peut faire l’impasse sur des titres moins audacieux comme « Tell Me You Love Me » et « Die Happy », l’aspect mégalo et fantasque gagne du terrain sur des productions XXL que sont « Death Star » et « Sugar » nous poussant à jeter un œil sur une civilisation malade et en rapport avec le contexte sociopolitique américain actuel. Le musicien atteindra son paroxysme sur la fin de The Ascension avec la véritable pièce de résistance nommée « America » s’étirant sur douze minutes où les reverbs de guitare de Carrie & Lowell rencontrent les expérimentations foutraques mais élégantes avec un mot d’ordre qui rentre facilement dans la tête: “Don’t do to me what you did to America”. Une conclusion instrumentale à la frontière de l’ambient en apothéose dont seul notre hôte a le secret.

Il ne fait aucun doute que The Ascension viendra rectifier les faux pas d’Aporia paru six mois plus tôt. Sufjan Stevens est de nouveau au sommet de sa forme avec son goût pour l’expérimentation et l’extravagance qui lui va comme un gant tandis que l’on contemple avec désarroi un monde qui continue de se déchirer et encore plus en cette sombre année mais qui nous invite à se surmonter nous-mêmes.

Note: 8.5/10