Cinq années plus tôt, nous avions énormément apprécié l’aventure solo de Will Butler, membre discret d’Arcade Fire, avec le désormais incontournable Policy (chroniqué ici). Suite à cela, on a pu deviner tout le talent caché que possédait le frère de Win sur ce disque riche en influences musicales et il le prouve encore avec son successeur tant attendu du nom de Generations.
Selon son auteur, si Policy était un livre d’histoires courtes alors Generations est plus un roman peu importe le genre. Et pour ce faire, Will Butler étire un peu plus les horizons musicaux avec « Outta Here » qui débute les hostilités avec ses claviers analogiques fuzzy rappelant la grâce de Brian Eno et de Spoon. De quoi donner le ton sur ce disque mélomane et tragi-comique avec également les riffs explosifs de « Bethlehem » qui nous fera ouvrir notre troisième œil sur le sombre passé de l’Amérique (« Oh, the past is in a graveyard makin’ stew out of the bones ») tout comme sur la power-pop fantasque de « Close My Eyes » qui tire sur les violences policières face à la communauté afro-américaine.
Durant ces cinq années, Will Butler a aperçu le changement et n’hésite pas à regarder vers le passé pour identifier le problème de la société nord-américaine. Ainsi sur les allures country-gospel de « Surrender » et les influences disco-house du glitch « Hard Times », le cerveau fou d’Arcade Fire arrive à nous faire prendre conscience de la gravité des choses. Generations regroupe d’innombrables moments de douce folie comme « Hide It Away » aux synthés complètement folles ou bien même « Not Gonna Die » où il se sert de ses études en politique pour prêcher la bonne parole de façon dramaturgique (“I’m not gonna die in Times Square … from a dirty bomb … shot down on the lawn […] Quit saying that some stranger’s gonna kill me”) et le final aux frontières de Broadway qu’est « Fine » aux inspirations dignes de Randy Newman où le ton est donné (“George Washington and all his slaves — they were hanging outside down by Tom Sawyer’s cave, when Henry exclaimed, ‘George, sometimes you can be kind of a dick!’ And George put down his pipe, and he picked up his whip. He said, ‘Fine … You’ve got me this time. I am yours, but you’ll always be mine — together, ’til the end of time.’”).
Avec Generations, Will Butler fait parler son génie et ses excentricités musicales. Le musicien multi-instrumentiste canadien arrive à peindre avec son talent une société qui implose jour après jour sans se questionner sur les causes qui ont engendré ces tensions. De quoi pardonner le faux pas d’Arcade Fire trois ans plus tôt. À ce propos, à quand un sixième disque des canadiens ? C’est tout ce qu’on a besoin aujourd’hui.
Note: 8/10