On avait laissé The National en pleine forme avec deux albums pour les moins réussis que furent First Two Pages Of Frankenstein et Laugh Track (chroniqués ici et ici). Le légendaire groupe new-yorkais a une fois de plus mis tout le monde d’accord avec ces disques aventureuses et frissonnantes, bien que légèrement en deçà du reste de leur discographie. Profitant de cette période d’accalmie, Matt Berninger, légendaire frontman du groupe, s’émancipe de nouveau en solo. Cinq années après son Serpentine Prison pour le moins mémorable (chroniqué ici), il revient avec son successeur tant attendu du nom de Get Sunk.
Très rapidement, on pénètre dans l’univers bien spleenesque de l’une des voix les plus charismatiques et les plus touchantes que l’indiesphère américaine ait connu. Et même si l’on ne retrouve pas les frères Dessner mais Sean O’Brien, fidèle ingénieur du son du groupe, aux commandes de Get Sunk, Matt Berninger, exilé dans le Connecticut, réussit à nous émouvoir une fois de plus avec son timbre de voix grave et chaleureux qui brille dès le départ avec « Inland Ocean » (co-écrit avec Walter Martin de The Walkmen) presque solaire et new wave dans l’esprit. À travers cette fusion entre riff de guitare en staccato et des échos de saxophone, la voix grave du new-yorkais viendra raconter (soutenue par les chœurs de Julia Laws, plus connue sous le nom de Ronboy) son récent passage à vide et sa panne d’inspiration qu’il aura réussi à surmonter avec beaucoup de force avec également les élégants « No Love » mené au piano ou encore le plus mélancolique et surréaliste « Frozen Oranges ».
On peut ainsi considérer Get Sunk comme un disque capital où Matt Berninger réussit à retranscrire toutes les sensations lorsque l’on perd son courage. Il se regarde ainsi dans le miroir et opère une introspection viscérale et nécessaire notamment lors des écoutes des orchestrations toujours aussi riches et taillées pour les stades de « Bonnet of Pins » contrastant avec le plus épuré et acoustique « Breaking Into Acting » en compagnie de Hand Habits aux chœurs (d’ailleurs, ça fait longtemps qu’on n’a pas eu de disques de sa part…) ou encore les influences bossa nova de la magnifique « Silver Jeep » avec une fois de plus Julia Laws. Le leader de The National n’aura pas fini de nous faire vibrer avec l’audacieux et propulsif « Nowhere Special » ou bien même « Junk » avec sa poésie presque morbide qui montre qu’il reste un des paroliers les plus doués de sa génération.
Il ne manquera plus qu’un « Times Of Difficulty » en guise de conclusion libératrice et aérienne pour rappeler que Matt Berninger puisse régner en maître de nouveau. Get Sunk est un sublime récit d’un homme ayant affronté ses aspérités et ses démons et racontant son désenchantement et exposant ses failles d’une nonchalance pour la moins indéniable.
Note: 8/10