Essayez d’éviter la pochette immonde de cet album et intéressons nous un peu au contenu ainsi qu’à son créateur. Ou plutôt devrais-je dire créatrice car Abi Reimold est une singer-songwriter venu tout droit de Philadelphie. Elle est âgée d’à peine 23 ans mais est déjà prête à en découdre. Influencée par PJ Harvey, Cat Power ou encore Torres, elle avait publié une série d’EPs sur son Bandcamp (dont le dernier EP Forget datant de 2014) et aujourd’hui, elle en est à son premier album à la pochette gerbante du nom de Wriggling.
On ne la connaissait pas mais à l’écoute de ce premier opus, on plonge directement dans la psychologie d’Abi Reimold. Torturée, misanthrope mais décidément touchante, elle décide de cracher tous ses maux à travers ces douze morceaux résolument tranchants et agressifs avec sa voix déchirante. Dès le premier titre « Arranged » à la douce introduction aux arpèges de guitare, elle attaque d’emblée avec un couplet percutant: « Little bumps that grow on skin and don’t let other people in/I’ll wash them off with astringent I’ll eat the words I never meant » avant que la suite ne soit plus agressive avec ses riffs de guitare acérés et sa section rythmique redoutable. La suite est du même acabit avec les déflagrations sonores que sont « Feed », « Bad Seed » (et ses « Fuck this and fuck me in my innocence » lancés à tout va), « Clouded » ou encore « Mask » qui, même si ils nous rappellent les belles heures du revival rock lo-fi des années 1990, sont de bonnes petites bombes soniques.
On aurait dit qu’Abi Reimold a tout appris de ses prédécesseurs (Speedy Ortiz, Torres, Hop Along…) mais comme elles, elle réussit à nous toucher avec son art. Je pense à la troublante « Stain » avec ses cris et rires d’enfants en arrière-plan, son riff fuzzy et la voix envoûtante et effacée de la chanteuse/guitariste ainsi que la ballade guitare débranchée/voix de « Vessel ». Dommage qu’elle n’aille pas toujours au bout de ses idées cependant comme sur la mélancolique « Dust » où elle est carrément bouleversante. Sauf que le morceau se termine trop tôt et 2 minutes, c’est pas assez pour être totalement emportés. Pareil pour les reposants « Sugar » avec son petit sursaut noisy et « Machine » avec l’apparition inattendue de la steel guitar où on les aurait vu durer plus longtemps. En fait, les titres calmes donnent une sensation d’inachevé comparé aux morceaux explosifs. Excepté bien sûr l’aérienne « Trap » avec ses magnifiques effets de steel guitar et la poignante conclusion du nom de « Won’t Clot » avec son texte touchant (« My words bite my heal/ Stopped dead in tracks of red, the kind that won’t congeal/ These feet are slipping inside soaking socks/ I thought I could run but now I know that it won’t clot. »).
Une fois le disque achevé, on n’a qu’une seule envie c’est de donner un câlin à cette petite Abi Reimold. A seulement 23 ans, elle nous offre un premier opus Wriggling aussi bien brutal que touchant où elle vomit ses tripes et son mal-être intérieur. Après bien sûr, d’autres dans son genre l’ont déjà fait bien avant elles mais il y a une part de vécu qui rend ses compositions authentiques et franches.
Note: 8.5/10