Vampire Weekend – Father Of The Bride

L’année 2019 est aussi placée sous le signe des grands retours dans la scène indie. Et le come-back que l’on attendait de pied ferme depuis le mois de janvier, ou plutôt devrais-je dire depuis trois ans maintenant, était celui de Vampire Weekend. Il est clair que leurs trois albums ont marqué l’histoire de l’indie rock notamment le désormais culte Modern Vampires Of The City, leur dernier en date de 2013. Suite à cela, les membres du groupe s’étant éparpillés un peu partout, s’émancipant chacun de leur côté afin de mieux se retrouver.

Tandis que Rostam Batmanglij a décidé de quitter l’aventure pour se lancer en solo et que Chris Baio a réussi à s’imposer en solo avec ses deux albums tandis que Chris Tomson avait lancé son projet pas mémorable (pour ne pas dire un peu médiocre) Dams Of The West sur le label de Danger Mouse, Ezra Koenig, quant à lui, n’est pas resté les bras croisés durant ces six longues années. Entre collaborations pour de grandes stars comme Beyoncé et contributions aux séries anime pour Netflix, il a également goûté au mariage et à la paternité. Le leader du groupe a déménagé à Los Angeles pour une nouvelle source d’inspiration. Ainsi naquit Father of the Bride, quatrième disque du groupe reconnu de la scène des années 2000/2010.

A ceux qui s’attendaient à une suite logique de Modern Vampires of The City seront vite désenchantés. D’une part parce que Rostam, force créative de Vampire Weekend, a quitté le navire même si sa contribution ne se résume qu’à la co-production de deux titres et d’autre part parce qu’Ezra Koenig a beaucoup évolué. Pour ce nouveau relifting musical, il peut compter sur l’aide d’Ariel Reichstad à la production ainsi que des figures quelque peu surprenantes comme DJ Dahi, BloodPop et Mark Ronson sans oublier Danielle Haim, Steve Lacy de The Internet. Le « united world of Vampire Weekend » en somme.

Il en résulte un quatrième disque complexe et expérimental dont il est difficile d’écouter en une traite. Telle est la volonté de ce Father of the Bride qui se veut à la croisée de la pop baroque à la folk psychédélique en passant par d’autres influences audacieuses pour un résultat final qui peut s’avérer désorganisé et tentaculaire mais qui se révèle de plus en plus charmant au fil d’écoutes répétées. Le premier titre « Hold You Now » qui convie donc la voix de notre hôte ainsi que celle de Danielle Haim a de quoi nous inviter dans cet univers protéiforme sous un sample de Hans Zimmer qui fut repris par la GMF (en même temps, plus rien n’est choquant dans la mesure où SFR a utilisé à tort et à travers « A-Punk » pour leurs nouvelles pubs, donc…).

Donc Vampire Weekend s’aventure un peu partout, que ce soit de la pop baroque aux riffs brillants sur « Harmony Hall » (comprenant une contribution discrète de Rostam) digne de The Grateful Dead et sur l’insouciant « This Life » en passant par des petites expérimentations électroniques comme sur la folk du futur « Big Blue » et la minimale « 2021 » comptant un sample de Harumi Hosono et de Jenny Lewis et des allures country-folk sur l’arty « How Long? », « We Belong Together » et la plus baroque « Married In A Goldrush » avec toujours les chœurs de Danielle Haim en guise de fil conducteur. Et il est clair que les New-Yorkais ont de la suite dans les idées avec cette atmosphère aussi bien foutraque que réjouissante où au milieu de ces influences rétro comme sur « Unbearably White » et « Rich Man » peuvent survenir de l’Auto-Tune comme sur le très court « Bambina » ou une chorale auto-tunée sur « Flower Moon ».

Des sonorités prog psychédélique de « Sunflower » avec la contribution de Steve Lacy, génial guitariste de The Internet au moments plus incongrus comme « Sympathy » ressassant un peu trop d’influences montrent un large éventail de sons et qui arrivent à rivaliser avec des moments touchants à l’image de « Stranger » et de la mélancolique conclusion nommée « Jerusalem, New York, Berlin ». Il est clair qu’Ezra Koenig fait voyager ses pensées et ses sonorités avec nous et il faut voir comme ça ce Father of the Bride. Avec ces 18 morceaux pour moins d’une heure de musique, certains y verront une spontanéité un peu trop brute et manquant parfois de relief sur certains points mais il est important d’applaudir l’audace de Vampire Weekend de se réinventer après six années d’absence. Mais sans la présence de leur joker Rostam, le groupe new-yorkais réussit à distiller différentes influences musicales (pop baroque, R&B, jazz, folk, country, art pop, prog, pop psychédélique…) à travers un melting-pot un peu trop sucré certes mais résolument addictif et inventif. Pas au même niveau que leurs trois prédécesseurs mais certainement leur disque pivot de leur discographie qui ne fourmille que de belles trouvailles.

Note: 9/10