Bon Iver – i,i

Cela fait plus de dix ans maintenant que Bon Iver domine la scène indie américaine. Leur histoire, on la connaît tous par cœur donc je ne vais pas m’étaler trop longtemps dessus. On avait laissé la bande à Justin Vernon il y a trois années de cela avec 22, A Million (chroniqué ici) montrant la mue du groupe en allant vers des contrées plus expérimentales. Ce virage est confirmé sur leur quatrième album intitulé i,i.

Il faut considérer chaque album de Bon Iver comme une saison. For Emma, Forever Ago était un disque de l’hiver, leur chef-d’oeuvre de 2011 correspondait au printemps et 22, A Million était un disque pour l’été (pas vraiment pour moi). Donc il était logique que i,i correspondrait à l’automne qui traduirait la fin du cycle. Serait-ce la fin ? Nul ne sait mais toujours est-il que Bon Iver reprend toutes les recettes de chaque album pour en faire un melting-pot musical. S’ouvrant sur une introduction pour la moins étrange nommée « Yi », c’est parti pour une virée vers l’inconnu avec Justin Vernon.

On y perçoit des couleurs soulful atypiques sur « iMi » où l’on perçoit la voix de James Blake tout comme celle de Velvet Negroni et Camilla Staveley-Taylor de The Staves pour des expérimentations vocales inouïes. D’ailleurs, on relève beaucoup d’invités sur ce quatrième opus comme Moses Sumney, Bryce Dessner, Phil Cook et le Brooklyn Youth Chorus sur le contemplatif « U (Man Like) » en imaginant un monde où les mauvaises actions nous rattrapent. D’autres collaborateurs sont à relever comme le beatmaker Wheezy (Young Thug) et Jenn Wasner de Wye Oak qui s’inscrit aux chœurs tout au long de ce disque beaucoup plus accessible et plus chaleureux que son prédécesseur. Au niveau des moments originaux, on peut relever également « We » aux envolées de cuivres remarquables et « Holyfields ».

Bien entendu, les éternels amoureux des deux premiers disques de Bon Iver trouveront également leur bonheur à travers des arrangements baroques et incroyablement riches où les guitares reviennent au premier plan. On peut citer entre autres « Hey, Ma » qui parle à la fois de l’importance d’appeler sa mère quand cela ne va pas mais aussi de l’importance de faire attention à la Terre mais également le somptueux « Marion » et « Salem » qui nous ferait presque danser avec ses ambiances de musique du monde. Il en résulte un disque le plus autocentré et le plus lumineux de sa discographie malgré toutes les adversités que son auteur a traversé que ce soit sur « Sh’Diah » (qui signifie « Shittiest Day In American History » en référence à l’élection de Donald Trump) ou sur les allures gospel du bien-nommé « Faith » où il arrive à trouver la rédemption avec sa chorale bien émouvante (comptant entre autre Francis and The Lights). En fin de compte, c’est l’optimisme qui gagne sur le dernier titre « RABi » où il clame: « Don’t have to have a leaving plan / Nothing’s gonna ease your mind / Well, it’s all fine and we’re all fine anyway ». 

Malgré ce léger manque de lisibilité, nul doute que Bon Iver arrive enfin à trouver la lumière sur ce i,i. Ce quatrième album marche comme un magistral patchwork d’émotions riches en contrastes tant il continue à se situer entre sonorités insaisissables et multiples styles musicaux caractérisés par ces synthétiseurs, percussions épiques, voix démultipliées aussi bien organiques que vocodées et guitares aériennes. De quoi clôturer ce cycle qui a débuté il y a plus d’une décennie maintenant. Espérons qu’un nouveau cycle ambitieux débutera d’ici peu.

Note: 9.5/10