Je pense que personne n’était préparé mentalement au revirement musical de Tranquility Base Hotel & Casino quatre années plus tôt (chroniqué ici). Et pour cause, c’est toujours pas facile de faire le deuil des Arctic Monkeys des années 2006-2007 où ils avait débarqué avec leur rock énergique et explosif qui a conquis la planète entière avec deux albums fédérateurs. Alex Turner et sa bande ont subi de nombreux virages afin de viser plus haut et de devenir un des groupes les plus influents de sa génération. Donc tout a été dit sur ce sujet. Quatre longues années se sont écoulées suite au dernier relifting musical aventureux et le quatuor de Sheffield passe à l’étape supérieure avec leur septième album intitulé The Car.
À la vue de la pochette représentant un parking sur un toit californien avec une Toyota Corolla blanche solitaire, on pourra s’imaginer un retour sur Terre musicalement parlant. Si Tranquility Base + Hotel Casino fut une exploration rétro-futuriste aux influences lounge dignes des années 1960-1970, on pourrait penser à une sorte de retour aux sources avec The Car jusqu’à ce que les principaux intéressés calment nos ardeurs. Après des mois de teasing entre une annonce d’une tournée (avec une date à Rock en Seine en prime qui fut plombé par un Golden Pit inutile), les premiers extraits nous ont pris par surprise et annoncent le tableau général de ce septième album: ils ne reviendront plus sauver le rock comme auparavant.
Le premier morceau de l’album se nomme « There’d Be A Better Mirrorball » et plante le décor très 70’s et très cinématographique où les arrangements baroques se marient avec l’interprétation plus solennelle et plus lyrique que jamais d’Alex Turner. Les guitares sont une fois de plus mises en retrait au profit du piano et des cordes pour une ambiance cinématographique digne des meilleurs films de James Bond tout comme les allures un brin funky de « I Ain’t Quite Where I Think I Am » et de « Jet Skis On The Moat » et d’autres plus oppressants de « Sculptures Of Anything Goes » un brin plus synthétique et pas franchement convaincante. La théâtralité se repose autour d’Alex Turner qui se rapproche de la grâce du regretté Bowie sans oublier sa plume nostalgique et contemplative qui reste prenante sur « Body Paint » où les guitares et les arrangements baroques viendront s’entremêler pour un brin d’électricité mais également sur « Hello You » avec ces rythmiques un brin jazzy signées Matt Healy qui élèvent quelque peu le niveau.
Arctic Monkeys nous transporte tantôt vers des contrées western spaghetti dignes de The Last Shadow Puppets sur le morceau-titre ou spatiales dignes de leur prédécesseur sur « Big Ideas ». Ce qui est sûr, c’est que c’est magnifiquement bien orchestré du début à la fin et ce jusqu’aux derniers morceaux aux allures de bossa nova que sont « Mr Schwartz » et le grandiloquent « Perfect Sense » où l’on sent qu’Alex Turner lutte pour trouver sa place dans le monde avec tout le spleen qu’on lui attribue.
En fin de compte, The Car possède quelques relents de chant du cygne si on peut être honnête. On a vu Arctic Monkeys énormément évoluer durant ces quinze dernières années. Il faut se rendre à l’évidence (et moi même qui ai du mal à l’accepter parce que je suis un fan inconditionnel des trois derniers albums) qu’il s’agit d’un quatuor qui ne cherche à sortir de leur zone de confort afin de nous offrir un voyage musical qui demande du temps et de compréhension. Très très loin d’être le disque parfait, The Car est intéressant en de nombreux points mais manque clairement de punch par moments mais on peut tout de même applaudir l’audace d’Alex Turner qui aime se mettre en danger même si ce n’est pas une franche réussite. Mais en analysant en profondeur ces textes, on sent que les singes de l’Arctique établissent un bilan de leur carrière et ont refusé de devenir les sauveurs du rock, qu’on le veuille ou non.
Note: 7/10