L’excellent et désormais cultissime album I Love You Honeybear paru en 2015 (chroniqué ici) aura permis à Father John Misty de se hisser parmi les plus grands de la scène indie américaine, n’en déplaise aux trolls. L’ancien batteur du groupe Fleet Foxes nous a épatés avec ses chansons d’amour folk baroques et complètement barrés, sans compter son sens de l’humour incroyablement potache, à tel point qu’il a écrit pour les pop stars comme Lady Gaga et Beyoncé. Mais de l’eau a rapidement coulé sous les ponts et il semble que Josh Tillman possède une sacrée amertume, comme le démontre son nouvel album Pure Comedy où il n’a plus envie de s’amuser.
Ici, il n’est plus question de parler d’amour à tout bout de champ sur cet opus. Father John Misty, qui a rasé sa barbe pour ne garder que la moustache, dresse un portrait général sur le monde et il ne donne franchement pas envie. Durant 75 minutes (!), il établit une longue critique sociale le tout avec philosophie et lucidité, notamment sur les deux premiers morceaux ambitieux qui ouvrent le bal que sont « Pure Comedy » avec sa montée en puissance grandiose (ainsi que sa dernière phrase marquante: « I hate to say it but each other is all we got ») et la pop cuivrée de « Total Entertainment Forever » taclant gentiment le monde du showbiz et de la télé-réalité. Il est question du destin de l’humanité, de l’hypocrisie politique (de vous savez qui) et religieuse, de narcissisme, des excès de la finance mais aussi quelques moments d’introspection sur « Leaving L.A. » où il retrace son parcours pendant 13 minutes sous fond de guitare acoustique et de cordes frémissantes.
Si il n’y a une chose qui n’a pas réellement changé, c’est le sens de la démesure que possède le bonhomme. Avec l’aide de son comparse invisible Jonathan Wilson aux manettes, il se range du côté des grands songwriters tels que Leonard Cohen (RIP), Randy Newman mais aussi Elton John dont son influence se fait ressentir sur « Things It Would Have Been Helpful To Know Before The Revolution » et sur les mélancoliques « Ballad of The Dying Man » et « When The Love Of God of Love Returns There’ll Be Hell To Pay » remarquables pour ses sublimes choeurs qui font froid dans le dos. Surfant toujours sur la vague des années 1970, le musicien continue à nous captiver avec des morceaux cristallins comme « Birdie », « A Bigger Paper Rag » et autres « Two Wildly Different Perspectives » ou à nous impressionner sur des longs formats avec des belles trouvailles comme le poétique « So I’m Growing Old On Magic Mountain » comprenant de magnifiques envolées lyriques ainsi que la conclusion ô combien poignante nommée « In Twenty Years or So » aux arrangements cinématographiques au plus bel effet.
Honnêtement, Pure Comedy n’est pas meilleur que son prédécesseur qui fut un pur chef-d’oeuvre de par son homogénéité et par sa longueur (13 morceaux pour 75 minutes de musique) malgré toutes ses belles qualités mélodiques. Mais il permet de comprendre tous les talents de lyriciste de Father John Misty dont son écriture est toujours aussi caustique et cynique mais tape incroyablement philosophique et lucide. Pas pour rien que le Californien fait parti d’un des bonhommes les plus respectés de la scène musicale américaine.
Note: 8/10