Lucy Dacus – Historian

Il y a deux ans jour pour jour, j’avais mis en lumière un nouveau talent indie rock américain qui répondait au nom de Lucy Dacus avec son premier album No Burden (chroniqué ici). La jeune auteure-compositrice-interprète venue du Richmond en Virginie est passée de totale inconnue à l’icône de sa génération en un claquement de doigts, ce qui lui a valu une signature sur le prestigieux label Matador Records qui regroupe également d’autres talents comme Car Seat Headrest et Julien Baker (mais aussi Snail Mail dont on attend son album), ce qui n’est pas rien. Deux années se sont écoulées et notre hôtesse préférée nous revient avec Historian.

Après s’être présentée et nous a fait parcourir son environnement social sur son premier album, Lucy Dacus passe à l’étape supérieure sur Historian. Le premier titre « Night Shift » a de quoi remettre les pendules à l’heure où elle nous fait part de ses nouvelles lamentations avec ses premières lignes: « The first time I tasted somebody else’s spit, I had a coughing fit ». La demoiselle explore tous les mauvais côtés d’une relation amoureuse malsaine et à sens unique tandis que le morceau prend de l’ampleur avant une explosion sonique totalement renversante. Pour un premier morceau, elle a placé la barre très haute. Et la suite vaut également le détour avec notamment les sonorités quasi-jazzy et soulful d' »Addictions » où les guitares rencontrent les cuivres de fanfare sans oublier le doux-amer « Nonbeliever » où les cordes et les guitares font bon ménage, « Yours & Mine » qui évoque la marche des femmes de l’année dernière à laquelle elle a participé ainsi que « Body To Flame » qui montrent tout le talent de lyriciste et de compositrice de la petite dame.

Sur Historian, il est question de perte, à savoir la perte d’un être cher, la fin d’une relation amoureuse mais aussi la perte de confiance en soi mais Lucy Dacus se sert de sa plume de façon incisive pour chasser les vilains démons et les nuages qui l’entourent. Et c’est avec des titres bien ambitieux à l’image des sonorités pour les moins seventies de « The Shell » ou encore « Timefighter » qui étonne pour son solo de guitare pour le moins classieux et son break prog-rock audacieux que l’on a affaire. Après le très rentre-dedans et incisif « Next of Kin » rempli d’humour noir et de sarcasme (« I am at peace with my death, I can go back to bed »), la native de Richmond nous offre un second moment fort avec « Pillar of Truth » qui est un hommage à sa grand-mère décédée où l’on assiste de nouveau à ses grands talents de conteuse et de musicienne tant son interprétation nous laisse bouche bée comme les arrangements riches qui nous glacent le sang. Du grand art ! Et comme toute bonne chose qui a une faim, elle décide de nous émouvoir une énième fois avec la conclusion solennelle et désespérée du nom de « Historians » où sa voix plane sur un orgue moribond et des cordes quelque peu timides.

On en vient à penser que Lucy Dacus s’est énormément surpassée avec ce second album riche en oxymore aussi bien lumineux que sombre. La mamzelle chasse du mieux qu’elle peut ses démons grâce à une plume plus qu’appliquée et des arrangements qui feraient passer Cat Power pour une amatrice par exemple. Historian est bien plus qu’un exutoire mais un accomplissement au chemin bien tortueux et riche en questions pour la musicienne de Richmond.

Note: 9/10