FKA Twigs – Magdalene

Il aura fallu deux EPs pour que FKA Twigs puisse connaître la consécration mondiale en tout début de décennie. Suite à cela, elle a réussi à mettre tout le monde d’accord avec son premier album paru en 2014 sobrement intitulé LP1 qui lui a valu une nomination au Mercury Prize Awards de cette année et la reconnaissance ultime. Tout semble être parti pour être une success story pour la musicienne britannique qui est considérée comme étant le porte-étendard du R&B alternatif et mutant tandis que d’autres actes comme How To Dress Well n’ont pas réussi à se renouveler. Cette année, elle effectue son grand retour avec son second disque tant attendu comme le Messie avec Magdalene.

Les cinq années qui ont séparé son premier album et celui-là, on les ressent parfaitement sur Magdalene: entre nouvelle célébrité, love story avec l’acteur Robert Pattinson qui s’est brutalement achevé, tumeurs opérées. C’est toujours intéressant de savoir ce que peut nous réserver Tahliah Debrett Barnett sur ce second opus où elle ne collabore pas avec le déjanté Arca, Clams Casino ou encore Sampha mais renouvelle son carnet d’adresses en conviant la crème de la crème Sounwave, Jack Antonoff, Nicolas Jaar, Hudson Mohawke, Benny Blanco ou encore Oneohtrix Point Never afin d’exposer un nouvel imaginaire musical éloigné de toutes références.

Magdalene s’ouvre sur un « thousand eyes » remarquable pour ses envolées sonores avant que FKA Twigs pose sa voix quasi-religieuse. On sent tout de suite la différence avec LP1 et on n’est pas au bout de nos surprises avec l’épique « home with you » où, derrière son apparente délicatesse, notre hôtesse par ses modulations de voix trafiquées dupe son auditeur en ajoutant des basses distordues qui monte en puissance avant que des synthés et des cuivres viennent s’y greffer pour un final majestueux. Et que dire de la montée progressive synthétique de « sad day » et des moments sensibles et à fleur de peau de « mirrored heart » et « daybed » ? La britannique nous promet de grands moments et on est loin d’être déçu.

Faisant le grand écart entre l’occulte et l’ésotérisme, l’accessible et l’expérimental, FKA Twigs nous en fait voir de toutes les couleurs. Entre influences trap modernes sur le futuriste « holy terrain » avec une participation du rappeur Future et sonorités rappelant la grâce de Björk avec le quasi-christique « mary magdalene » et son introduction à la harpe et au xylophone au plus bel effet qui se conjugue aux beats percutants de Nicolas Jaar donnant beaucoup de place à un refrain empreint de sensualité, Magdalene est un album rempli de contrastes. Passant de la douceur à la violence notamment sur le brûlot enragé mais envoûtant « fallen alien » riche en manipulations sonores en tous genres, ce second opus sait passer d’un extrême à un autre et c’est la douceur et la vulnérabilité qui l’emportent jusqu’à la sublime conclusion au piano nommée « cellophane » calmant tous les éléments désynchronisés du disque. Tous ces ingrédients sont réunis pour faire de ce Magdalene un disque libre et maîtrisée, ambitieux et accessible. FKA Twigs revient avec un second opus qui joue la carte de l’instabilité afin de nous surprendre et de nous détourner et c’est mission réussie. Assurément un des derniers grands disques de cette décennie.

Note: 10/10