Mount Eerie – Night Palace

Lorsque Phil Elverum fait son retour, cela reste un grand événement. Ses derniers faits d’arme remontent à l’année 2020 lorsqu’il a réactivé son projet The Microphones avec son excellent dernier album sobrement intitulé Microphones In 2020 (chroniqué ici). À l’approche de la fin de l’année, il revient avec son autre side-project Mount Eerie avec un nouveau disque ambitieux du nom de Night Palace, faisant suite à son prédécesseur qui fut un album collaboratif avec Julie Doiron paru cinq années plus tôt (chroniqué ici).

Pour Mount Eerie, il décide de voir les choses en grand tout au long de ces 26 nouvelles compositions pour une durée totale d’une heure. Night Palace est un voyage musical absolument dense où Phil Elverum contemple la nature tout en musant sur le temps qui passe avec le morceau-titre introductif aussi bien mélodique que noisy ayant de quoi rappeler les ambiances nocturnes de No Flashlight plantant le décor comme il se doit. Il est suivi de très près par un « Huge Fire » beaucoup plus électrique avec une section rythmique des plus musclées faisant penser à l’album Sauna en 2015, soit le dernier publié aux côtés de sa défunte épouse Geneviève ou encore un « Broom of Wind » plus entêtants prouvant que ce Night Palace nous procurera d’innombrables frissons.

Aussi bien mystique qu’accessible, vulnérable et terrifiant, éthéré et intimiste, ce périple musical que nous offre Mount Eerie ne laissera personne indifférent. Cela lui permet de prouver qu’il est à l’aise dans ses expérimentations musicales hors du commun qu’il a maîtrisés depuis le début de sa carrière, allant des interludes à la limite du black metal comprenant des hurlements rauques de sa fille sur « Swallowed Alive » à des ballades indie folk acoustiques des plus touchantes (« My Canopy », « Blurred World », « I Spoke With A Fish ») en passant par des influences sonores des plus élargies renforçant son propos par rapport à la nature et à sa vie parsemée de péripéties en tous genres. Il n’en reste pas moins frissonnant de bout en bout avec notamment les avalanches bruitistes sur « Wind & Fog » et « I Heard Whales (I Think) » contrastant aux moments plus slowcore de « I Spoke With A Fish » ou de brûlots indie rock avec « Non-Metaphorical Decolonization », « Co-Owner of Trees » ou bien avec « Writing Poems » définitivement électriques et non dépourvus de mystère.

Après une épopée fantasque de 12 minutes qu’est « Demolition » où Phil Elverum, à travers un spoken-word saisissant, relate sa nouvelle vie dans son nouveau chez-soi (“I used to dream that my roots were strong and deep […] Then I dug down just barely and found cathedrals/Here: a long guest in someone else’s home”) ainsi que la conclusion frémissante nommée « I Need New Eyes », ce Night Palace permettra à Mount Eerie de dévoiler ses multiples casquettes. En contemplant de nombreux paysages et en affichant sa versatilité musicale de façon hors normes, il signe ici un disque résolument ambitieux pouvant faire écho à ses précédents chefs-d’œuvre (The Glow Pt. 2 en ligne de mire) mais avec un léger twist moderne afin de rendre ce disque un brin intemporel. Une expérience auditive où l’on reviendra plus souvent pour cette fin d’année.

Note: 9/10