YOA – La Favorite

Ce serait presque un euphémisme de dire que l’on suit Yoa depuis le début. Autrice de trois excellents EPs, on a vu l’artiste bedroom-pop prendre de l’ampleur sur la scène hexagonale, à un tel point qu’elle est en ce moment nominée aux Victoires de la Musique de cette année, ce qui n’est pas rien. Donc forcément, l’artiste franco-suisse est attendue au tournant avec son premier long-format qui s’intitule La favorite.

Préparez-vous à une bonne dose de sensations fortes en compagnie de Yoa à travers ces quinze compositions pour 45 minutes de musique. La favorite est l’occasion idéale pour notre protagoniste de dévoiler toutes ces facettes qu’elle a perfectionné sur ces EPs précédents. On navigue facilement dans son jardin secret parsemé d’embûches avec des moments langoureux et lancinants comme « Sad Girl », co-écrite par Olivia Merilathi, avec son mantra qui s’annonce déjà culte (« Sad girl crying/Poor thing, crashing every party ») ainsi que « 2013 » et « Princesse Chaos » avec cette vulnérabilité qui n’aura pas fini de nous toucher comme il se doit.

Bien entendu, on retrouvera notre tube préféré de l’année dernière qu’est « Matcha Queen » avec cette rythmique bossa nova restant toujours aussi entraînante mais elle synthétisera parfaitement Yoa dans toute sa splendeur. A travers La favorite, nous avons une Yoa qui est une Queen avec son mascara qui coule et qui dévoile toutes ces facettes. Tantôt elle présente sa crew de copines badass sur la techno métallique de « Mes copines » bien parti pour être l’hymne de l’empowerment féminin par excellence tout comme sur le banger hyperpop ultra hot « Tu veux me ? » faisant grimper la température tantôt elle coupe les ponts aux amitiés toxiques en y écrivant une chanson de deuil bien éprouvante sur « Contre-coeur ».

Les contrastes sont parfaitement mises en avant car elles symbolisent en effet les complexités et les ambivalences de la vingtaine en cette ère bien morose et anxiogène que Yoa réussit à retranscrire à la perfection. Mettant en valeur les amitiés toxiques, la santé mentale mais aussi le problème de l’hétéronormativité sur des compositions parfaitement soignées que sont « Les grandes chansons », « Héros » dédié aux hommes cis blancs privilégiés ou encore « Bombe », elle offre de nombreux récits d’apprentissage riches en punchlines savoureuses (« Je te cherche quand je pleure la nuit chez mes parents / Je te cherche quand je jouis sous les doigts de mes amants » sur l’élégante « Là-bas, Pt.2 ») où elle recolle les morceaux de ses souvenirs traumatiques. Mais ce qui symbolise parfaitement le mood global de La favorite restera la troublante (et magnifique) ballade au piano nommée « Le Collectionneur » qui est une diss track destinée à son agresseur car elle réussit à se mettre à nu et à identifier l’émotion exacte où de nombreuses victimes arriveront à s’identifier (« Mais qu’est-ce qu’elle aurait dit ta mère si elle te voyait faire du mal aux filles autour de toi ? / Est-ce que tu la rendrais fière, toi et ton coeur de pierre que tu as brisé sur mes doigts ?, chante-t-elle sur le refrain avant de lancer un « Je te déteste, ce sera jamais ma faute » des plus thérapeutiques). Un cri du cœur si nécessaire pour avancer avant d’analyser les maux du passé sur le morceau-titre où on sent une Yoa se réconcilier avec son soi et son passé pour mieux briller.

On retrouve ainsi toutes les facettes de sa personnalité à travers une panoplie d’influences musicales bien exprimées (pop, R&B, hyperpop, chanson française, bossa nova, afropop, techno, reggaeton…) pour que le nouvel espoir de la scène française puisse briller pendant un bon bout de temps. Tout simplement parce que La favorite est tout simplement un incroyable accomplissement artistique de la part de Yoa qui est en passe de devenir la porte-parole de la génération actuelle en quête de bienveillance et de bien-être, à coup sûr.

Note: 8/10