Il y a une seule et unique raison pour laquelle nous suivions instinctivement la trajectoire de Thérèse Sayarath: sa façon d’être. Depuis ses débuts avec le groupe La Vague qu’elle avait formé avec le guitariste Jonathan Granjon et qui a donné naissance à deux EPs mémorables (chroniqués ici et ici), on l’a suivi et pensé que le duo allait connaître l’ascension mais bon, COVID tu connais. Le confinement qui a frappé la population entière aura plongé notre duo dans un état de questionnement jusqu’à se séparer définitivement. Mais pas de problème pour Thérèse qui se réinvente en solo et il en résulte un premier EP intitulé Rêvalité.
Le confinement est une sorte de renaissance pour Thérèse qui continue de surfer sur la vague du militantisme et de l’exigence. Et Rêvalité est l’occasion parfaite pour exprimer ce cri qui vient du fond du cœur en cette période bien anxiogène où la haine et les extrêmes montent en puissance de façon inquiétante. Mais c’est aussi l’occasion pour elle de nous faire ouvrir les yeux et de nous inciter à se libérer de ce qui est toxique dans son entourage avec l’introduction bien-nommée « T.O.X.I.C. ». On est loin des ambiances rock de La Vague pour aller puiser vers des influences R&B expérimental et de hip-hop électronique sans renier ses origines aux niveaux des sonorités qui sont concoctés par son nouveau poulain, le jeune lillois Adam Carpels mais la voix si éloquente de notre hôtesse nous fascine tout comme elle nous glace le sang avec ce refrain presque semblable à celui de « Time To Dance » de The Shoes.
En empruntant des sonorités dignes de M.I.A., de The Knife ou encore de Sevdaliza en passant par Nicolas Jaar notamment sur « Apocalipstick » et sur « Skin Hunger », Thérèse dévoile sa vulnérabilité et sa sincérité face à ce confinement qui fut source de questions et de doutes. Mais aussi de rage. Car le quatrième morceau nommé « Chinoise ? » cristallise tout ce qui a été reproché à tort à la communauté asiatique à cause de la pandémie mondiale du COVID-19. Avec ce beat infectieux et incisif, il est facile d’imaginer Thérèse en croque-mort se tenant derrière un cercueil en train d’étrangler un faf qui lui aurait balancé des injures racistes et sinophobes: « Chinoise, Chen Li, Massage, Polie, Soumise au lit, You call me Katsuni, Chinese, Money, Femme tigre, Gucci, Lucy Liu, Gong Li, 2020 vis ma vie/Chintok, Grain d’riz, Manga, bar tabac, Jacky Chan, Bruce Lee, Tu l’tabasses il sourit, Matheux, mafieux, Mini zizi, Virus c’est qui ? Casse-toi où j’te mets la zermi » avant de le jeter dans le cercueil pour l’enterrer vivant. On retrouve cette rage si sincère et autobiographique qui est quasi-réminiscente de « Tumble » et « Dernière Saison » du dernier EP de La Vague où elle alterne français et mandarin sur le refrain pour un clin d’œil à ses origines. Bien entendu, le racisme anti-asiatique qui prend de l’ampleur, l’engagement féministe lui est également cher notamment sur « Private Party » en guise de conclusion.
Avec des textes si personnels mais à la portée universelle, Thérèse arrive à s’imposer avec ce premier EP où l’on retrouve tout ce qui lui a trotté dans sa tête durant ce confinement qui l’aura tant métamorphosé avec l’aide d’Adam Carpels qui arrive à la faire sortir de sa zone de confort. Rêvalité plonge donc entre rêve et réalité mais apporte son lot de questions à son auditoire qui est en perdition face à cette situation inédite et nous incite à une introspection profonde afin d’en ressortir plus fort, ce qu’elle a fait de façon efficace. Auteure-compositrice-interprète, musicienne, militante antiraciste et féministe, styliste, modèle… Y a-t-il un truc qu’elle ne sait pas faire ?
Note: 7.5/10